vendredi 2 novembre 2018

Et si l'art était né dans la nuit de mon cul? Et comme un pet phosphorescent, comme un big bang d'ypérite le cosmos aurait été manifesté, avec tout son chatoiement.

mercredi 31 octobre 2018

Cette phrase, dans le contexte, signifie en réalité "je refuse de faire caca".

mardi 30 octobre 2018

Avec le recul, j'ai tendance à penser que la tempête solaire d'août 1972 m'en a mis un bon coup dans la gueule (alors que j'ai déjà des prédispositions). Je tenais à ce que vous le sussiez.

lundi 29 octobre 2018

commémoration

Beaucoup de gens sont mécontents de la visite restreinte de Macron à la clairière de l'Armistice, le 10 novembre prochain. Compiégnois de naissance, je saisis parfaitement l'effet de désappropriation ressenti par la population locale. Mais Macron est une merde dans un bas de soie; les flatulences de son histoire personnelle l'entraîneront bien vite hors de ce lieu. Dès le lendemain, en fait. Le 11 novembre est et reste la date véritable de cet anniversaire. Nous n'avons pas besoin de lui.


samedi 20 octobre 2018

Force est de constater que les gens ne savent pas faire caca mentalement.

lundi 8 octobre 2018

Ambassador Hotel, de Marie Desjardins: Rock et Paléolithique.

Note de lecture également accessible sur Mauvaise Nouvelle.

Selon les données de la Tradition Primordiale, le meurtre d'Abel par Caïn correspond à l'ascendant pris par la civilisation de l'agriculture sur celle des chasseurs-cueilleurs, autrement dit le passage de la période dite du Paléolithique à celle dite du Néolithique. Toujours selon la même source, la civilisation d'Abel, paléolithique, se caractérisait par une utilisation de l'espace, étant d'essence nomade, tandis que celle de Caïn, néolithique, sédentaire et agricole, se fondait avant tout sur le temps.

La loi de compensation fait qu'un peuple « spatialisé » produit un art basé sur le temps, le rythme : ce sont les pâtres qui inventèrent la musique, le chant, la poésie. À l'inverse, un peuple fondant son existence sur les saisons, le temps qui passe, celui des semailles et des moissons, produit des réalisations spatiales, architecturales : des agriculteurs du néolithique naquirent les villes. (Sous ce rapport, l'opposition milieu urbain / milieu rural n'est peut-être pas aussi tranchée qu'elle le semble.)

Il est vrai que Marie Desjardins n'aborde pas ces questions dans son roman Ambassador Hotel. Dans ce consistant volume, nous découvrons l'histoire d'un groupe de rock, RIGHT (en majuscules), issu des années soixante et entretenant sa légende jusque dans les premières années du vingt-et-unième siècle. Plutôt que d'écrire l'histoire d'un groupe véritable, Desjardins a volontairement créé un groupe fictif parce que cette solution permet d'explorer sans embarras tous les ressorts, y compris les plus insoupçonnés, d'une carrière artistique inscrite dans une période précise de l'Histoire, et pas n'importe laquelle.

« Il avait l’impression d’être Elvis. C’était divin. Il se foutait complètement d’avoir mal dormi sur le matelas de camping empestant le moisi dans la camionnette, aux côtés de Derek et de Burt, l’un ronflant, l’autre lui ayant grimpé dessus pendant la nuit. » Ces trois phrases sont hautement significatives. L'histoire de RIGHT est d'abord celle de son frontman, Roman Rowan. Nous sommes dans les années soixante, en Grande-Bretagne, là où l'ancien bardisme n'a pas encore épuisé ses feux. De manière assez classique, Rowan est un jeune homme réfractaire au milieu urbain petit-bourgeois au sein duquel il a vu le jour. Influencé par les (déjà) icônes du rock de la décennie précédente, il va chercher un chemin autre que celui déjà formaté par sa famille (bienveillante au demeurant) et la société britannique.

Ainsi débute un cycle assez familier : l'absence de moyens financiers, les concerts chichement rémunérés dans des pubs à droite à gauche, les longs trajets en camionnette pourrie et les turpitudes sexuelles, la fascination pour ceux qui sont en train de réussir à percer, les inventeurs du psychisme pop à l'anglaise, à deux doigts de conquérir l'Occident. Mais ce que Roman Rowan ne sait pas, c'est que pour lui, en quelque sorte, tout est déjà en place de son parcours. Il va se retrouver dans un processus de sélection qu'on pourrait appeler le destin : de parfait inconnu, il deviendra parfait chanteur de rock et cette sorte d'émondation va s'opérer autour de lui et sur lui-même. Un autre terme pour cet affinage, peut-être plus approprié, sera utilisé plus loin.

Du point de vue du protagoniste, un certain nombre d'événements historiques interviennent en sa faveur. Trois seront retenus ici. Le premier est sa rencontre avec Clive, celui qui deviendra son bassiste de prédilection et bien plus : un frère. Le deuxième est sa rencontre avec Bronte Gardner, frontman du groupe Bronteshire qui a déjà connu le succès mais dont l'arrivée de Rowan va marquer la fin. Le troisième est l'assassinat de Robert Kennedy, peu après minuit, le 5 juin 1968.

Le duo inoxydable qu'il va former avec Clive signifie que d'autres musiciens, d'autres candidats seront rejetés. La rencontre avec Gardner a, quant à elle, ceci de très particulier qu'elle est cette fois un cas de gémellité contrariée : Gardner est une sorte de double noir de Rowan. Dire qu'il y a de suite un conflit d'egos entre eux est juste mais on peut aller plus loin. « Gardner », le « jardinier », est en quelque sorte l'agriculteur, le « caïnite » du drame, alors que « Rowan », le « sorbier des oiseleurs », est lui-même la pousse. Il s'en faut de très peu que les deux hommes, bourrés de talent au point d'être habités d'un élément surnaturel, collaborent de manière insigne et bouleversent encore davantage la scène musicale. Toutefois, Gardner se retirera. Un occultiste pourrait dire que ce dernier est un pratiquant de la « voie de la main gauche » tandis que Rowan, solaire, se tient du côté de la « voie droite » (« right », justement).

Rejeté de même, le demi-frère adultérin de Rowan auquel il est fait plus d'une fois allusion mais que nous ne verrons jamais. Le troisième événement, l'assassinat de Robert Kennedy, se produit le jour où le candidat à la primaire démocrate (en vue de la présidentielle américaine) et les membres de RIGHT se trouvent à l'Ambassador Hotel, établissement de Los Angeles qui n'existe plus aujourd'hui. De cette tragédie sortira Shooting at the Hotel, tube dès lors béni et maudit de RIGHT.

Dans cette vie consacrée à la musique, tout est sacrifice et petit à petit, Rowan s'approchera de cette vérité. Lui-même, de « sacrificateur » (femmes lui tombant dans les bras, offrandes-suicides de fans) devient « sacrifié », c'est-à-dire littéralement rendu sacré, délesté de sa condition « profane ». Il ne s'agit pas seulement du fait d'atteindre au cours des concerts des exaltations proches de la transe ; il faut payer de sa personne afin de capter cette sorte de « paléo-énergie » venue du fond des âges, des pâtres-mages. (Presley, un autre crucifié du rock, l'avait compris.) Dans un monde généralement privé d'initiation, de vie intérieure, dans une sphère d'activité où l'argent prime sur beaucoup de choses, Roman Rowan parvient, par étapes successives, à se dessaisir d'entraves égotistes et à élargir ses prestations scéniques au point d'en faire des cérémonies durant lesquelles, comme son patronyme l'indique, il parvient à chanter ce qu'en ésotérisme on appelle la langue des oiseaux, c'est-à-dire la langue du Ciel, des états de conscience supérieurs et des initiés. (En outre, « Roman Rowan » et « rock 'n'roll » possèdent des sonorités pas excessivement éloignées l'une de l'autre, suggérant peut-être ainsi la nature hypostatique du premier.) Il est remarquable par ailleurs de constater à quel point, au fil des ans, le personnage devient absolument maître de lui-même, notamment face aux représentants de la presse professionnelle. Pas de mensonge, pas d'hypocrisie dans les propos convenus qu'il donne en réponse aux questions (la plupart du temps) sans originalité : c'est que Rowan a développé un aspect « exotérique » destiné au plus grand nombre, y compris ses proches. C'est dans son for intérieur que l'aspect « ésotérique », réservé au petit nombre (mais pressenti par un journaliste en particulier), se développe.

De manière astucieuse, Marie Desjardins a choisi une narration pyramidale : nous suivons à tour de rôle les débuts de Roman Rowan, son ascension dans les années soixante et sa vie dans la période post-hippie. (Le mouvement hippie, le communautarisme psychédélique reçurent deux coups de semonce en 1969 avec les événements du concert d'Altamont et de la Manson Family. Le coup d'arrêt, toutefois, vint en 1973 à l'occasion du premier choc pétrolier.) La première phase est la remarquable peinture de la montée en puissance du rock d'Albion. Les sources d'inspiration artistique y sont parfaitement comprises et restituées par Desjardins (entre autres la filiation fascinante avec le romantisme hugolien et, d'une manière générale, le courant décadentiste de la fin du XIXè siècle, l'influence de la Golden Dawn). La seconde période biographique montre en quelque sorte la gueule de bois après le rêve Peace & Love, les difficultés de cohésion du groupe, les premières usures du temps et les déserts à franchir.

Les deux voies s'élèvent au fil de la lecture pour converger vers l'apex de la pyramide : l'ultime concert de RIGHT, donné de nos jours. Le groupe, internationalement connu, connaît son apothéose. De la fourgonnette déglinguée des commencements aux avions de ligne tout confort, Rowan sillonne la Terre en bon pâtre qu'il est. Subsistent néanmoins malgré la gloire, la reconnaissance, les souffrances, les interrogations. Quel sens donner à la mort de Robert Kennedy, tremplin non calculé de RIGHT ? Comment ne pas se sentir coupable d'avoir reçu cette chance ? Que penser de la rencontre manquée entre Rowan et la photographe Havana ? C'est pourtant là que la révélation va se faire, à l'occasion d'un incident en apparence anodin. Roman Rowan, l'obscur petit Londonien de quinze ans que le rock fascinait déjà en 1960, en a maintenant soixante-dix et il connaît désormais le véritable couronnement de sa carrière, au milieu d'une foule qui ne remarque rien. Il a toujours été question, en effet, de sacrifice (dans le texte vétérotestamentaire, l'offrande d'Abel, agréée par Dieu, est celle d'un premier-né ; il ne pouvait donc revenir qu'à Roman, premier-né de son père, et pas son demi-frère, de porter la charge sacrificielle) mais c'est à cet instant seulement qu'il le comprend. Comme le sorbier dont il porte le nom, il donne ses fruits à l'automne.

La retraite dorée sera-t-elle toutefois marquée par un désœuvrement délétère débouchant sur la mort ? Imaginons qu'une fois au sommet de la pyramide, nous poursuivions le tracé des deux lignes : un retournement se produit et donne lieu à un évasement, une ouverture. Et en effet, les toutes dernières lignes du roman semblent vérifier le dicton selon lequel le rock 'n'roll ne mourra jamais. Chassez le sacré par la porte, il revient par la fenêtre. Marie Desjardins, avec brio, nous conte dans Ambassador Hotel le pourquoi et le comment de la chose.

dimanche 7 octobre 2018

Prime d'activité de huit euros: encore un grand succès pour le gouvernement.

samedi 29 septembre 2018

Supposons que, revêtu d'une combinaison d'astronaute, je me trouve au sommet du Mauna Loa (Hawaï) dans le cadre d'un exercice de simulation de vol embarqué vers Mars. Tout se passe bien, je joue le jeu quand, soudain, une mouette passante me chie sur le plexiglas. Que dois-je faire?

mardi 25 septembre 2018

ALERTE INFO: la nuit dernière, j'ai rêvé qu'Edouard Balladur m'offrait un livre quasiment introuvable d'ésotérisme et d'occultisme.

vendredi 21 septembre 2018

J'aimerais être soumis à une expertise psychiatrique. Je tenais à ce que vous le sussiez.

mercredi 19 septembre 2018

vendredi 14 septembre 2018

mercredi 12 septembre 2018

Nom de sort, où es-tu, Montero? Je n'arrive pas à retrouver ton commentaire!





(C'est con, parce que je suis toujours aussi facho.)
Il y a deux nuits, une personne de ma connaissance a rêvé que je m'étais réincarné en gros chat gris et tigré, que je lui avais en outre vocalement confirmé mon identité de Paul Sunderland. Mes yeux de félin, paraît-il, possédaient une intelligence humaine.
Je tenais à ce que vous le sussiez.

lundi 10 septembre 2018

Quand j'étais dans l'enseignement, j'ai souvent eu envie de diriger des études dites "de texte intégral" sur des romans de cul et, ensuite, d'attendre la rencontre parents-profs, les conseils de classe, la note administrative de fin d'année scolaire, etc. Je tenais à ce que vous le sussiez.

samedi 8 septembre 2018

Les quelques fois où je me suis rendu dans un dojo, je n'ai probablement rien compris à ce qui se passait et en en repartant, je suis toujours allé bouffer des burgers-frites. Je tenais à ce que vous le sussiez.

jeudi 6 septembre 2018

Tu comprends que Goldorak relève de la prophétie quand tu les vois annoncer, depuis les années 70, la venue d'Emmanuel Macron.

vendredi 31 août 2018

Il y a des nanas, je les croise dans la rue et spontanément, j'ai envie de leur demander si elles prennent la bite comme on prend, ou pas, les cartes American Express.

mardi 28 août 2018

ALERTE INFO: je m'aperçois à l'instant que DAGON est l'anagramme de l'anglais GONAD.

samedi 25 août 2018

ALERTE INFO: je viens (délibérément) de manger deux petits suisses sans ajouter de sucre.

mardi 14 août 2018

C'est bien gentil de poster des photos de ce que vous mangez mais vous ne montrez JAMAIS les photos des étrons correspondants, l'autre bout de la chaîne. Travail incomplet, soyez plus rigoureux.

lundi 13 août 2018

Selon de récents calculs, l'uritrottoir a même suffisamment de volume pour contenir Anne Hidalgo.

jeudi 2 août 2018

mardi 31 juillet 2018

"Steed, le SDRA ne va pas être content...
— Le SDRA?
— Le Service de Détection des Regards Appuyés...
— Dieu merci, Mrs. Peel, nous ne faisons pas partie de ce service!
— Précisément. N'arrêtez pas d'appuyer..."


samedi 28 juillet 2018

Quand la femelle du moustique me pompe (gratuitement), je me sens moins seul.

mercredi 25 juillet 2018

Qui a encore chié comme une goudronneuse, ce matin? Le seul responsable, c'est moi. Qu'ils viennent donc me chercher.

mardi 24 juillet 2018

Collomb affirme qu'il ne "connaissait" pas Benalla: au sens biblique du terme, il se peut que ce soit vrai, après tout.

samedi 21 juillet 2018

"En définitive, le dysfonctionnement avec Rédoine Faïd, c'était pas si mal..."

Sinon, est-ce que quelqu'un sait si Gérard Collomb fume des joints pour se détendre?...

vendredi 20 juillet 2018

Alexandre Benalla est lieutenant-colonel de la Réserve citoyenne? Il pourrait travailler sous les ordres de Jean-Vincent Placé, s'il ne sait pas quoi faire...
CLIMAT: il ne faut plus parler de "sécheresse" mais de "déficit hydrique". N'est-ce pas merveilleux.

jeudi 19 juillet 2018

Je ne veux pas avoir l'air de dire mais je fais tellement bien caca (qualité, quantité, régularité) que la Ville devrait me décerner une médaille.

samedi 14 juillet 2018

Cette photo représente l'évolution des trous de balle: de plus en plus serrés.

Un jour, au lycée agricole d'Erstein (où je pratiquais le contre-enseignement), j'ai chié un étron insubmersible. Rien à faire. Malgré plusieurs tirs de chasse, une flottaison à la limite du paranormal. Au bout du compte, j'ai renoncé mais je me suis très bien fait à l'idée qu'un ou une collègue, voire un membre de l'équipe de direction, aurait droit à un film d'horreur gratuit.

mercredi 11 juillet 2018

Si la France perdait, ce serait rigolo de chanter "on est en finale" mais en remplaçant par "on l'a dans l'anal".

vendredi 6 juillet 2018

Mesdames, mesdemoiselles, méfiez-vous: si ça se trouve, je ne suis peut-être pas un homme mais une vieille lesbienne lubrique.
Dans le domaine de l'autodéfinition non binaire, je ne sais pas si "moule-frite" est acceptable.

dimanche 1 juillet 2018

Asylum of Satan, de William Girdler

 
Je recommande chaudement le visionnage de ce nanar (produit à Louisville, Kentucky, en 1971, sorti en 1972 aux USA et en 1975 en France sous le titre : L'antre de l'horreur) pour ses acteurs qui jouent comme des pieds (disons plutôt au mieux) un script et des dialogues écrits avec les pieds. Lucina (Carla Borelli), concertiste (piano), se rend dans une clinique de repos suite à une dépression nerveuse. Sauf qu'elle a été prise en charge contre son gré par l'étrange docteur Spector (Charles Kissinger), directeur du lieu (qu'on n'appelle jamais « clinique » mais « asile »). Là, en quelque sorte séquestrée, elle ne sait pas encore qu'elle va servir de sacrifice humain à Satan : celui-ci recherche des vierges et en échange du matériel fourni, Spector renouvelle son immortalité. Le fiancé de Lucinda, un bœuf pop du nom de Chris (Nick Jolly, qui chante aussi le thème du générique), tente de la secourir.

Plusieurs choses me viennent à l'esprit, comme ça : l'ensemble est mou du fion bien qu'à certains moments, on trouve des effets visuels pas inintéressants. Entre le moment où Chris part à la recherche de Lucinda et le moment où celle-ci est délivrée des griffes du Malin, on fabrique plusieurs macchabées par piqûres d'insectes (d'après ce que j'ai vu), morsures de serpents, combustion, tête tranchée. Lucinda, qui, de sa chambre, entend des bruits venant de l'étage supérieur, se rend à la porte de la 319 (elle occupe la 219) et se fait (un peu) courser par, je ne sais pas, un zombie, un loup-garou. Il n'y a pas d'explication. Pas d'explication non plus de ces autres patients, silencieux, vêtus de robes blanches à capuchons, fixant, immobiles, l'œuf dur unique qu'on leur a servi à la cafétéria de l'établissement. Mais pourquoi pas. La silhouette de Spector, de profil au premier plan, lorsque Lucinda arrive à l'asile, confère une aura de menace, aura renforcée par les infirmières muettes, semblables à des drones. William Girdler installe une notion de dédoublement entre l'asile opérationnel et l'asile abandonné, ainsi que dans le cross-dressing de Spector. Le problème est que même si les éléments d'une intrigue offrent plus d'intérêt lorsqu'ils possèdent une certaine ambiguité, rien n'est creusé là où il le faudrait, ce ne sont, semble-t-il, que des amorces.
Ne me demandez pas qui c'est: je n'en sais rien.

La fin est hilarante mais je ne sais pas si ça a été fait exprès : pendant la scène du sacrifice, Satan refuse de « consommer » Lucinda car, contrairement à ce qu'affirme Spector (qui l'a pourtant examinée), elle n'est pas vierge ! Il y a eu tromperie sur la marchandise, scrogneugneu ! Non mais tu imagines ? Tu commandes une vierge, tu précises bien : une vierge, et on te refile une déflorée ! Après, c'est sûr, ça chauffe un peu pour Spector. La fin de la fin, en revanche, je ne suis pas sûr d'avoir compris : peut-être que Satan décide-t-il de se trouver un nouveau chasseur de têtes en la personne de Chris. Ce retournement ne me semble pas indispensable car la bouffonnerie de la scène sacrificielle est bien suffisante (je vois dans le générique de fin que la Church of Satan a dispensé des conseils techniques).

Les dialogues sont nases, surjoués. Le vide est comblé de temps à autre par une bande-son en elle-même pas trop dégueulasse. Carla Borelli est jolie. Asylum of Satan, au bout du compte, pourrait presque être joué dans n'importe quelle cour de récréation (et ce que je dis là n'est pas forcément négatif).

samedi 30 juin 2018

The House on Mansfield Street, de Richard Mansfield

 Nick Greene (Matthew Hunt), vidéaste, réalisateur de documentaires, quitte Londres pour emménager à Nottingham. Il filme son départ et son installation. Bien vite, dans la maison qu'il loue et dont il est le seul occupant, une activité paranormale se manifeste. The House on Mansfield Street fait partie de ce qu'on appelle, dans le cinéma expérimental, le found footage, c'est-à-dire les « films retrouvés ». Esthétiquement, il s'agit de coller au plus près au réel, sans fioritures narratives. Il est bien évident que malgré l'annonce de l'affiche (the footage is real), l'ensemble est une fiction écrite et tournée par Richard Mansfield dont la démarche cinématographique consiste à inventer une histoire, prendre une caméra, filmer. Cela peut sembler idiot dans la mesure où n'importe quel réalisateur fait en principe la même chose mais ici, l'économie de moyens permet un retour aux bases.

Dans l'intrigue en question, des bruits de pas à l'étage se font entendre, des grattements se déplacent dans les cloisons, des objets semblent avoir bougé tout seuls. Greene, bien équipé en matériel technologique, décide de mettre la maison sous surveillance vidéo, y compris avec un détecteur de mouvement. Bien entendu, il tente d'abord de trouver des explications rationnelles. Néanmoins, une didascalie nous prévient dès le début du film : Greene ne terminera jamais son documentaire.

En outre, immédiatement après avoir emménagé, il reçoit la visite de sa nouvelle voisine, une certaine Emma King (Kathryn Redwood). La jeune femme qui, à ses dires, travaille dans le même immeuble que Greene, offre à celui-ci un « porte-bonheur » à accrocher à la porte d'entrée : un petit sac cousu à la main, rempli d'on ne sait quoi et orné d'un symbole. Cette visite et ce présent m'ont immédiatement mis la puce à l'oreille nonobstant l'apparente innocence d'Emma. Si donc, je sais aussi d'avance que Greene ne finira pas son projet, cela signifie que l'intérêt du film se situe ailleurs et que l'intrigue n'est qu'un point de passage dialectique. À ce niveau tout de même, on constatera qu'il y a effectivement quelque chose de surnaturel dans cette maison, y compris en journée. Les tentatives d'explication rationnelle ne tiendront pas. Emma est, du point de vue narratif, la cause du problème et nous le saurons à la fin du film. Ses motivations, si on s'en tient uniquement à l'intrigue, peuvent sembler opaques (sa nature même pose problème : est-elle une sorcière ou un démon?). De là, on pourrait conclure à la faiblesse du script mais c'est là, précisément, qu'à mon sens il faut regarder au-delà de la surface des choses. Encore une fois, le « surnaturel » plaqué sur le « naturel » ne suffit pas à circonscrire une thématique à moins de s'en tenir à un visionnage de divertissement et rien d'autre.

À vrai dire, Greene ne me semble pas spécialement sympathique. Il se veut tel, surtout lorsqu'il se filme mais de toute façon, il ne fait que ça. C'est peut-être bien là une partie du problème. Greene est un homme désireux de tout mettre en mémoire, et ce le plus vite possible. Très pressé d'aller partout, n'accordant aucune importance à la mémoire naturelle, paumé lorsqu'une tempête de neige (dont, d'ailleurs, on peut se demander quelle est la cause véritable) le bloque plusieurs jours chez lui, il malmène en définitive les rythmes naturels qui lui permettraient de véritablement découvrir Nottingham. Il les malmène, les viole même ; son obsession d'archiviste informatique et sa recherche de matériel de pointe font de lui, littéralement, un pornographe, un voyeur auquel rien ne doit échapper (y compris par l'entremise de son détecteur de mouvement lorsqu'il s'absente). La malédiction qui s'abat sur lui, sous la forme d'Emma, serait alors un rappel narquois de la réalité, pas seulement, donc, une histoire sans queue ni tête de hantise et de meurtre. Et la réalité a ses rythmes, ses processions bien à elle.


C'est que Greene est « vert », c'est-à-dire, en anglais, jeune, inexpérimenté. Sa perception du monde se limite au parcage technologique dans lequel tout s'engouffre. Tout le reste, le plus important, lui échappe, même lorsque c'est sous son nez : il ne voit pas l'espèce d'avertissement sur sa vidéo de la visite des souterrains de Nottingham ; devant la statue de Robin des Bois, il comprime en quelque sorte des siècles d'histoire comme on comprime un fichier. La technologie en tant que telle n'est pas en cause : aucun de ses appareils n'est endommagé par la force étrange qui se manifeste chez lui. Greene ne supporte pas la réalité non filtrée ou présentée d'une manière différente de sa méthode : la scène où Emma lui tire les cartes me semble exemplaire. Le tirage s'avèrera exact en ce qui concerne son avenir (et nous n'avons aucun doute là-dessus, donc, depuis le début), ce qui permet de comprendre que les lames tirées par rapport à son passé sont tout aussi révélatrices : on ne sait pas pour quelle raison Greene a quitté Londres mais il y a eu un problème sur lequel il ne s'étend pas. À l'annonce de son avenir, il se ferme complètement et congédie Emma. L'acceptation de la Mort (en tant que lame du tarot et qui, ainsi que le rappelle pourtant sa voisine, n'est pas nécessairement la fin) était peut-être pourtant sa dernière chance d'abandonner sa boulimie cybernétique et de se poser véritablement dans sa nouvelle existence, de laisser au nouveau contexte le temps de sédimenter. Mais non. On peut dire qu'il a tout pour être heureux mais comme c'est l'enfant buté d'une époque de vitesse croissante et d'abrutissement mécaniste, tout son univers se retourne contre lui, sous les espèces d'une force surnaturelle mais aussi sous la forme de paysages urbains ordinaires qui, devine-t-on, le font chier malgré ses commentaires enjoués. Je ne devrais probablement pas écrire ça mais je trouve que ce qui lui arrive, c'est bien fait pour sa gueule. The House on Mansfield Street : un film, sorti en juin 2018, où j'ai trouvé plus de matière à réflexion que ce à quoi je m'attendais. 



Vacances, j'oublie tout...


mercredi 27 juin 2018

The Groundstar Conspiracy, de Lamont Johnson



Aux Etats-Unis, l'employé du gouvernement John David Welles cherche à dérober les documents secrets d'un nouveau carburant pour fusées. Sa tentative échoue et il se retrouve gravement défiguré après une explosion sur la base Groundstar, son lieu de travail. En fuite, il échoue dans la maison d'une certaine Nicole Devon (interprétée par Christine Belford), jeune divorcée, et perd connaissance. Celle-ci appelle une ambulance, les autorité sont alertées et, très rapidement, Welles subit une opération de chirurgie esthétique puis se fait interroger de manière brutale par Tuxan, un agent de renseignement de type dur à cuire. Welles, cela dit, affirme n'avoir aucune mémoire de son forfait ; il ne souvient même pas de sa vie, en dehors de quelques images vagues d'une femme et d'enfants sur une plage.

Malgré les techniques musclées d'interrogatoire auxquelles Tuxan a recours (électrochoc, immersion), Welles maintient sa version de l'amnésie totale et manque se faire assassiner par quelqu'un de l'extérieur. Tuxan permet à Welles de s'échapper dans l'espoir qu'il les mènera aux commanditaires du vol. Welles se rend chez Nicole et la supplie de l'aider à recouvrer la mémoire. Elle ne sait cependant rien.

Tuxan finit par retrouver les conspirateurs et révèle toute la vérité à Welles qui ne parvient toujours pas à se rappeler les détails du vol. Le vrai John David Welles est en fait mort au cours de son transfert à l'hôpital, la nuit de l'explosion. L'homme dont on nous a dit jusqu'ici qu'il s'appelait Welles est en fait Peter Bellamy, un autre agent du gouvernement américain. Ayant récemment perdu sa femme lors d'un accident (ce qui correspond à ses bribes de souvenirs) et considérant que sa vie ne valait plus la peine d'être vécue ni conservée en mémoire, Bellamy s'est porté volontaire pour subir un lavage de cerveau et prendre l'identité de Welles afin de débusquer les vrais coupables.

Cette co-production canadienne et américaine, tournée en 1971 par Lamont Johnson et sortie en 1972, est une adaptation libre du roman du Britannique L.P. Davies The Alien, paru en 1968. L'œuvre de Davies, assez orientée vers la science-fiction, l'horreur et le mystère, présente souvent des personnages en proie à l'amnésie, en quête de leur identité véritable. Philip K. Dick est peut-être l'arbre qui cache la forêt L.P. Davies. Il va s'avérer indispensable de se pencher à nouveau sur son cas.

Comme on pourrait s'y attendre à propos de The Groundstar Conspiracy (titre français : Requiem pour un espion), ce film mâtiné d'un vague fond de science-fiction offre une ambiance de confusion et de paranoïa. Je trouve le résultat assez convaincant malgré le passage des années et l'écart avec le texte d'origine mais ce qui m'intéresse le plus, dans cette histoire, c'est la radicalité de Tuxan et de Welles/Bellamy. Ce dernier, malgré son statut d'homme traqué (interprété de manière convaincante par Michael Sarrazin, acteur peut-être injustement mésestimé), est dans un sens aussi déterminé que celui qui semble être son antagoniste principal. Cette détermination trouve sa source dans l'intolérable souffrance d'un deuil. Apparemment victime, Bellamy a oublié qu'il est en fait le volontaire d'une mission-suicide et que son amnésie est la clef du plan concocté avec Tuxan !

Cela explique peut-être l'élément « groundstar » du titre. Une étoile (star) abattue, jetée à terre (ground, grounded). Dans The Alien, la question est également de déterminer l'identité du protagoniste. Si on veut bien faire abstraction du dévoilement d'intrigue effectué plus haut, on s'interroge tout autant dans le film. Welles aurait presque des allures d'homme tombé du ciel, pour faire un clin d'œil au roman éponyme de Walter Tevis (The Man Who Fell to Earth). L'autre personnage radical est Tuxan, dont le nom offre une ressemblance avec « tocsin » (tocsin) et « toxine » (toxin). À lire çà et là quelques critiques du film, Tuxan serait une ordure, un fasciste, un psychopathe, period. Je dirai pour ma part qu'il est inflexible, sans états d'âme autres que la raison d'Etat. Il se dit d'ailleurs prêt à mettre sur écoute sa propre famille si cela doit renforcer la sécurité du pays. Il s'est mis lui-même sur écoute ! Si on le laissait faire, il placerait des micros dans toutes les chambres à coucher car c'est là que naissent tous les complots, toutes les révolutions. Bien entendu, il ne choque pas que certains spectateurs mais aussi d'autres personnages de l'intrigue. Au final, cependant, il serait à sa manière (comme l'amnésique quoique d'une manière différente) un homme qui a tout sacrifié, bien conscient que dans le lot des dépossessions, il y avait sa réputation et jusqu'à la capacité de se faire aimer. Après, on peut aussi se demander si tout cela ne serait pas qu'un prétexte. Tuxan serait le sadique et Welles/Bellamy le masochiste d'une relation trouble. 

Je vais aller encore plus loin : je trouve fascinant le jeu de George Peppard, qui incarne Tuxan. Il est parfait dans ce rôle malgré son monolithisme apparent. Je le trouve d'autant plus fascinant que Peppard a régulièrement été perçu comme un sale con pendant les tournages de ses divers films et séries. À l'époque de The Groundstar Conspiracy, sa réputation était déjà en berne (cantonné qu'il était aux rôles d'action depuis la fin des années soixante jusqu'au tout début des années quatre-vingt ; il lui faudra attendre 1983 pour retrouver un second souffle avec le drôlatique et incontournable The A-Team). Ont toujours été invoqués dans son cas un problème d'alcoolisme et de personnalité (même dans ses périodes les plus fastes). Peppard n'a peut-être pas entièrement eu la carrière qu'il méritait car c'était avant tout un acteur très doué mais, à regarder le film de Johnson, je me pose tout de même une question, je le reconnais, un peu vicieuse : dans quelle mesure a-t-il composé Tuxan? The Groundstar Conspiracy est selon moi un film à redécouvrir car il possède, pour toutes ces raisons (et peut-être d'autres encore), une densité qu'on ne lui a pas forcément reconnue malgré ses acteurs, son montage nerveux et son intrigue bien menée. 



mardi 26 juin 2018

The Brain Eaters, de Bruno VeSota

 Lorsque ce film de Bruno VeSota sortit en 1958, il fallut en réduire la durée à la demande de Robert A. Heinlein qui, en 1951, avait écrit The Puppet Masters, roman dont l'intrigue ressemblait étrangement à celle de The Brain Eaters première mouture. Dégrossi, le film y fait un peu moins penser. Les producteurs (Ed Nelson, lui-même acteur principal, et Roger Corman, non crédité au générique) n'eurent pas d'autre choix que de s'exécuter sous la menace d'un procès pour plagiat intenté par Heinlein. Le problème fut réglé à l'extérieur des tribunaux : l'auteur du fameux Stranger in a Strange Land reçut cinq mille dollars (américains) en guise de dédommagement.

The Brain Eaters se laisse regarder en une soixantaine de minutes. Je ne sais pas ce que cela aurait donné dans la version initialement prévue mais en l'occurrence, cela me semble suffisant. Dans une petite ville de l'Illinois, Riverdale (ça n'existe pas que dans les Archie Comics!), une vague de meurtres se combine à la découverte en forêt d'une structure métallique d'origine semble-t-il non humaine. Elle est indestructible, on ne sait pas à quoi elle sert, son intérieur est constitué d'un enchevêtrement de conduits. Les meurtres sont effectivement liés au problème. Des parasites d'origine inconnue (du moins au début) s'emparent des humains en pénétrant à l'arrière de la nuque, modifiant ainsi leur comportement. En fait de mangeurs de cerveaux, cela dit, il faut se résigner à un énième titre ronflant : à peine ai-je vu une espèce de bout de mou parasitaire se faire proprement (non, vraiment proprement) disséquer dans un laboratoire. La section tranchée se met alors à ramper d'elle-même ; elle anticipe vaguement les espèces de petits étrons prenant le contrôle de l'humanité dans un film de Cronenberg, Frissons (Shivers ou encore The Parasite Murders, They Came from Within pour la version originale).

Ici, c'est plutôt les mangeurs d'avant-bras gauches.
Alors que l'emprise des parasites s'étend et que la ville se retrouve coupée du monde, quelques individus, comme on dit, tentent d'organiser la résistance. Je précise de suite que les acteurs, la plupart du temps, jouent comme des pieds et que le choix de certains plans est pour moi une énigme. Je me permets d'ajouter que le scénario lui-même (Est-ce dû au redécoupage du film ?) comporte, selon moi, des incohérences difficilement négligeables. Il s'avère que les parasites en question ne sont pas d'origine extra-terrestre mais terrestre, ils remontent du sol, plus exactement de la couche géologique marquant le Carbonifère. Dotés d'une grande intelligence (je veux dire : pour de petites moumoutes surmontées d'antennes bricolées à base de cure-pipes), ces êtres justifient leur prise de pouvoir par le désir de donner à l'humanité une civilisation de zombies d'où toute violence serait désormais exclue. Le problème, c'est qu'un peu plus tôt dans l'intrigue, un médecin nous apprend, suite à l'examen d'un cadavre de « possédé », que même s'il ne s'était pas fait tirer dessus, il serait mort en quarante-huit heures maximum à cause de l'acide sécrété par son parasite ! Et puis il y a ce savant rescapé d'une expédition disparue cinq ans plus tôt, qui fait sa réapparition à proximité de la structure en tire-bouchon. Il s'est évadé ? On l'a laissé partir ? Je l'ignore mais dans la structure en question, un autre membre de l'expédition, contrôlé lui aussi mais apparemment en bonne santé, informe nos héros résistants du fin mot de l'histoire puis disparaît dans un nuage de fumée. Pour faire bref, les Moumoutes de l'Apocalypse seront détruites grâce à l'électricité.
Ils sont pas méchants, ils veulent jouer!

      Tourné avec un budget riquiqui, joué sans trop de conviction, dépourvu le plus souvent de tension véritable (sauf, si l'on peut dire, lors de l'électrique conclusion), The Brain Eaters tentera de se rattraper en jouant la carte de la suggestion et non celle de la monstration (cette dernière étant de toute manière plus récente, suite aux progrès de l'imagerie et de la feignantise narratologique). Malgré tous ces défauts (ou à cause d'eux), c'est un nanar regardable. Un dernier point : l'acteur incarnant l'autre membre de l'expédition n'est autre que Leonard Nimoy (orthographié « Nemoy » dans le film). On ne le voit donc que sur la fin. Difficile à reconnaître, c'est sa voix qui permet de l'identifier. Live long and prosper ! 

Surtout, prendre un air dégagé.
      
Want some, bro?
            
C'est bien la dernière fois que je fais la corvée de gogues!
                                                                 
Horreur! Un naturiste!

mardi 19 juin 2018

Lorsque vous vous prenez un vent, exigez le label Flatulence Française. C'était un communiqué du Réarmement Anal.

vendredi 15 juin 2018

Dieu (le père, entre autres, de Pythagore et de Platon) n'a pas dit "copulez et additionnez" mais "croissez et multipliez".

mardi 12 juin 2018

Du méthane sur Mars? C'est normal, je leur fais la livraison tous les jours...

vendredi 8 juin 2018

Agents Of Dreamland, de Caitlin R. Kiernan

Note également parue dans Le Salon Littéraire.

En 2015, la sonde spatiale New Horizons s'approche de Pluton mais est inopinément détectée par une intelligence extra-terrestre. Au même moment, sur Terre, un service secret très discret, voire occulte, enquête sur un phénomène pour le moins curieux ayant décimé des cultistes apocalyptiques nommés The Children of the Next Level, cela aux abords de la mer de Salton, un lac salé de Californie du Sud. Les deux principaux enquêteurs sont le Signalman, un homme usé entre deux âges, et une femme peut-être immortelle, Immacolata Sexton. Leurs efforts échoueront à empêcher l'invasion et la destruction de l'humanité.

Vous pensez peut-être que la mèche a été vite vendue mais, en fait, non, ou disons que ce n'est pas bien grave d'avoir lu cette espèce de résumé désincarné. Il demeure en effet toute la « carne » enrobant la trame de Agents Of Dreamland. Ici, c'est presque aussi important que l'aspect purement factuel des péripéties car cette longue nouvelle (ou bref roman ; le terme anglais correspondant est novella) se lira de préférence en acceptant de se laisser emmener par quelque chose sur lequel nous n'avons aucune prise. Cela se joue entre autres autour de la chronologie volontairement non-linéaire de l'intrigue, ensuite (en fait simultanément) par les points de vue de trois personnages spécifiques, enfin (avant toute chose) par la généalogie propre du récit, son rapport à l'Histoire et à certaines histoires.

Agents Of Dreamland (paru en 2017) est en quelque sorte une reprise de The Whisperer In Darkness (Celui qui chuchotait dans les ténèbres), récit de Lovecraft (paru en 1931) dont l'action se déroule en 1927. Sans donner trop d'indications, on peut dire de ce premier texte qu'il met en jeu une intelligence extra-terrestre pas très bisounours, à savoir les Mi-Go, également connus comme fongoïdes de Yuggoth. L'œuvre de Lovecraft n'a rien d'optimiste car elle présente notre humanité comme une intelligence absolument incapable de prendre toute la mesure de l'univers, encore moins des univers. Son isolement est radical, de même qu'est irrémédiable son incapacité à communiquer avec d'autres intelligences. Réfutation du postulat biblique selon lequel l'Homme est le centre de la Création, tout ce qu'a écrit cet auteur tient en une phrase scandaleuse : pour nous, les carottes sont cuites dès le départ.

Dans le texte de Kiernan, une partie de l'intrigue se situe également en 1927 mais aussi en 2015 et en 2043. Pour ce qui est de 2015, il s'agit plus précisément de la fin juin et du début juillet. Cette période correspond à l'approche de Pluton effectuée par New Horizons. On rappellera que cette sonde existe réellement et que le 4 juillet, date symbolique s'il en est, elle s'est mise automatiquement en mode « sauvegarde » suite à une surcharge de l'ordinateur dans son traitement de données. Kiernan propose une explication différente de celle avancée par la NASA : la sonde décroche suite à sa traversée d'un nuage approximativement de la taille de la Méditerranée. Ce nuage, non naturel, est un dispositif de détection conçu par les fongoïdes de Yuggoth. Vous remarquerez que présenté ainsi, cela semble un peu bêta. Il faut pourtant entrer dans le texte et accepter de se laisser porter, d'autant plus que la chronologie spécifique de juin-juillet 2015 n'est pas non plus linéaire.

Les trois personnages dont les perspectives s'entremêlent sont donc Immacolata Sexton, le Signalman et une jeune fille, Chloe Stringfellow. Cette dernière est à la rue et dépendante à l'héroïne. Elle est récupérée par le gourou apocalyptique Drew Standish qui l'emmène rejoindre le reste de sa petite communauté, constituée d'autres épaves, près de la mer de Salton et de Bombay Beach, au sud de la Californie. Standish promet aux membres de son groupe la transcendance, rien de moins. Ils ne trouveront que la béance de l'Enfer mais Chloe est la plus réceptive, la plus douée pour la captation d'influences, de messages venus de Yuggoth et relayés, entre autres, par l'image et le bruit de fond d'un téléviseur qui ne fonctionne plus de la manière habituelle. Le Signalman, lui, est un agent usé jusqu'à la corde car très conscient de la présence d'arrière-mondes ténébreux sous-tendant la marche de l'Histoire. La froide Immacolata Sexton ? On ne sait pas très bien. Il est possible que ce soit une immortelle ou un être ni vivant ni mort (undead). Toujours est-il que sa configuration mentale lui permet de se déplacer et d'agir à des époques différentes : 1927, 2015 et 2043. À cette dernière date, l'humanité, presque réduite à néant, est sous le joug des envahisseurs extra-terrestres qui sont le vrai visage de la fameuse « transcendance » promise par Standish. Sexton aide à se nourrir, autant qu'elle peut, une communauté de survivants en très mauvais état.

Les déplacements temporels de Sexton (qui sont plus des modifications de conscience que des voyages au sens technologique) accentuent le fatalisme qui imprègne tout le texte. D'un bout à l'autre de l'intrigue, une atmosphère de menace sourde, omniprésente et terminale plombe les paroles, les gestes, les décors, jusqu'à l'ignorance du commun, ignorance qui, ici, n'a rien d'une bénédiction. Hormis Lovecraft, Agents Of Dreamland fait également songer aux X-Files de Chris Carter et au B.P.R.D. de Mike « Hellboy » Mignola. Sexton pourrait être aussi un ange (son patronyme se traduit en français par « sacristain », « bedeau » ; quant au prénom, tout commentaire est inutile) car son champ visuel et transhistorique semble causer en elle des actes de compassion très discrète mais tout à fait prégnante. Chloe Stringfellow, seule (et temporaire) survivante du groupe d'illuminés, est condamnée d'avance. Le Signalman et quelques médecins triés sur le volet ne peuvent que constater les ravages des champignons venus d'ailleurs (dans le lexique lovecraftien, Yuggoth désigne de fait Pluton). Kiernan, néanmoins, parvient à coucher de très belles lignes avec cette horreur corporelle (humaine mais aussi entomologique) que ne désavouerait pas David Cronenberg.

Le croisement des points de vue et des époques crée un effet stylistique faisant de ce livre une sorte de poème en prose, un voyage halluciné au sein d'une myriade de détails concrets, voire triviaux. Cela aussi marque la réussite de Kiernan : faire du Lovecraft sans pasticher les circonvolutions un peu hautaines de celui-ci. Le travail de reprise ne s'effectue pas tant au niveau du langage que dans l'adaptation au 21è siècle et dont le résultat est un mélange de faits réels et d'interprétations laissant la porte ouverte à des rouages savamment camouflés, particulièrement dangereux. Ici, il faut tout de même souligner que Kiernan se réfère à des éléments qu'elle n'a pas inventés (cela n'enlève rien à la qualité de son travail mais on pourra lire aussi avec profit les essais de Peter Levenda, Gary Lachman, Mitch Horowitz...) : il faut à nouveau constater que la zone où se manifeste le paroxysme de l'horreur est la Californie, terre maudite, terre des morts (couchant), pointe extrême (et extrêmement délétère) de l'Occident, pays de failles d'où remonte ce qui voudrait passer pour des manifestations divines. La mer de Salton, Bombay Beach, prises dans des concrétions boueuses et salines, des volcans d'asphalte, nées de crues catastrophiques du Colorado, à l'abandon, sont un lieu inférieur et parfaitement sinistre (Bombay Beach est situé sous le niveau de la mer, c'est même le lieu le plus bas des Etats-Unis). La mer intérieure de Salton, dont la salinité ne cesse d'augmenter, forme l'extrémité sud de la faille de San Andreas. Il est intéressant aussi d'étudier le discours complotiste du gourou Drew Standish : s'il manifeste (en vertu du principe d'inversion) une parodie de transcendance, que penser de ses propos sur le symbolisme de la pomme, qui va des Beatles (maison de production) jusqu'à Steve Jobs ?

L'Amérique fume et exhale des pseudopodes. Caitlin R. Kiernan ne fait peut-être ici que jouer avec notre goût du mystère mais c'est une voix indubitablement accomplie de la dark fiction.

mercredi 6 juin 2018

N'oublions pas que l'Amérique fume et exhale des pseudopodes. Let's not forget that America smokes, and exhales pseudopods.

dimanche 3 juin 2018

L'agonie de Gutenberg, de François Coupry: de l'écrit monomane à l'écrit édifiant.

Cette note de lecture est également en ligne sur Mauvaise Nouvelle.

(livre reçu en service de presse)



À travers une compilation de textes initialement rédigés (de 2013 à 2017) pour des blogs et des réseaux sociaux, François Coupry brosse l'évolution de notre rapport au monde, de notre rapport aux uns et aux autres, et la manière dont s'en ressent la littérature. S'il est question d' « agonie », c'est que quelque chose de notre constitution culturelle est mort ou se trouve en passe de l'être. Que peut-il s'ensuivre ? Nous allons voir que l'auteur ne se contente pas de sonner le glas mais qu'il utilise un vénérable dispositif à même de nous faire franchir le Rubicon, l' « agonie » en question.

François Coupry est un héritier littéraire de Franz Kafka et de Jules Verne, deux auteurs qui, chacun à sa manière, ont pressenti ce que serait le vingtième siècle et au-delà. En une synthèse risquée, on pourrait avancer que ces derniers ont peint le portrait de la vitesse, de l'électricité, de l'industrie et des zones grandissantes d'absurdité née d'un monde en proie au vertige de l'accélération. Coupry, aujourd'hui, rejoint les analyses de l'architecte et essayiste Paul Virilio (inventeur de la dromologie) mais, pour ce faire, emprunte le chemin de la fiction. Si une utilisation de l'électricité a pour résultat de transmettre l'information beaucoup plus rapidement que par le papier, Gutenberg « agonise » en effet, relégué qu'il se trouve au rang de promoteur technologique suranné. Ce serait bien un problème occidental, au passage : la Chine classique, qui fut la première à inventer l'imprimerie, n'est pas en cause mais la Terre entière n'est-elle pas désormais à l'image et à la ressemblance de ce qu'il y a de plus anti-traditionnel en Occident ?

Ce que la concaténation de textes dans L'agonie de Gutenberg nous montre par ailleurs, c'est qu'en dépit du grand bond cybernétique, nous avons encore et toujours besoin de fictions, seulement la différence réside désormais dans notre recherche de simulacres. Là où jadis, l'écrit était fondateur, il est aujourd'hui monomane. Là où jadis, il était question de transmettre un savoir sans s'occuper de la personnalité du transmetteur, aujourd'hui, la plupart du temps, des égos surchauffés dissertent de manière morbide sur leur nombril et rien d'autre. Certains textes de Coupry peuvent d'ailleurs laisser croire qu'il n'échappe pas à la tendance mais se borner à ce point de vue serait méconnaître l'ampleur de son travail. Les souvenirs de jeunesse qu'il peut évoquer, une certaine mise à l'écart due à une surdité partielle ne constituent en quelque sorte que des points de passage dialectiques. Cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas intéressants en eux-mêmes mais que l'auteur les surpasse afin de déboucher sur des constats et des interrogations plus universels.

Coupry initie à vrai dire un retournement de tendance : sans renoncer à ses idiosyncrasies (passages autobiographiques), il choisit la fable, la saynète, le conte : autrement dit, il désamorce la  tendance à la fiction anesthésique par le recours à la fiction édifiante. Le conte instruit, on pourrait même affirmer qu'il est le sommet de la littérature. Proposé à tous mais destiné à ceux qui sont qualifiés pour le comprendre, et donc pas seulement aux enfants biologiques, ce type de texte n'a en réalité que peu de rapports avec l'escapisme adulte mais régressif qu'il suscite aujourd'hui à son corps défendant. L'enfance comme condition sine qua non de la bonne assimilation du conte a peut-être plus de liens avec l'enfance au sens évangélique ou, si l'on préfère, avec une saisie intuitive, non discursive de certaines vérités. Une tâche de la critique littéraire pourrait être, à cet égard, de montrer ce qui, dans un texte, est de l'ordre de l'individualité de l'auteur et ce qui se tient par-delà celle-ci (et donc même, éventuellement, à l'insu de l'auteur), notamment depuis, en gros, la Renaissance. Cela éviterait des discussions, pour ne pas dire des polémiques, parfois longues et stériles. François Coupry qui, à mon avis, à déjà compris ces choses depuis un certain temps, opère aussi son retournement par le biais de l'impression d'un livre de papier, artefact non pas régressif mais démineur de « tendances » et narquois comme un pied de nez. Ce faisant, il se pose à la croisée des chemins (diffusion traditionnelle de la connaissance via l'imprimerie, diffusion électronique et instantanée de la moindre « onde sismique » causée par tel ou tel ego) mais pas dans une position de dilemme. C'est l'avantage de la voie (voix) du conte : une salutaire mise à l'écart de tout ce qui est trop personnel et qui risquerait de grever le message de ses bruits parasites mais aussi une entrée dans l'hyperespace de l'intuition que permet le principe d'analogie.

Si « agonie » de Gutenberg il y a, en définitive, ce n'est pas tellement à cause de la cybernétique mais à cause de ce que l'humain fait de la parole dont il est dépositaire. Pied de nez, effectivement, mais pied de nez doux amer car derrière les interventions de tel ou tel personnage, de tel ou tel animal, voire de tel ou tel objet, l'auteur met à jour notre trahison désormais constante du logos. Là où le langage peut façonner des mondes, des intellects, nous nous repaissons maintenant de fictions délétères servant à nous maintenir dans un esclavage mental abominable mais seyant. Ici, nous passons du domaine strictement individuel au domaine civilisationnel. Nous ne nous épargnons rien pour entretenir nos jeux d'illusions et de pouvoir. Coupry le montre avec brio : ce qui pouvait sembler originellement un épanchement dérisoire et jetable au bout de quelques minutes d'attention, une petite giclure égotique pour réseaux sociaux, est en réalité un dispositif redoutable, une suite de tirs de précision. Un manuel de combat, presque, et une invitation à redécouvrir nos véritables cosmogonies.

Un petit florilège en guise de conclusion :
  • « Seul le faux n'est pas inexact. »
  • « Démêler le faux du presque faux, le pas vrai du pas trop vrai. »
  • « Les récits recréent la réalité et la vérité. »
  • « Une représentation du monde n'est efficace que si elle joue sur le décalage, sur l'activité de ce qui n'est pas dit ou montré. »
  • « les circonvolutions cycliques du cerveau humain »
  • « le culte d'une modernité absolue »
  • « La pointe du progrès ne se réalise pas toujours avec les pointes des sciences. »
  • « Le bonheur immédiat (…) fonde nos ruines communes. »
  • « Nous avons tous trop peur de la fin du monde et (…) nous ne sommes plus assez intelligents. »
Aujourd'hui, le daimon du livre est-il un d'e-book?

samedi 2 juin 2018

Elle croyait qu'il tentait de battre un record de vitesse de démontage-remontage de kalachnikov, les yeux fermés. Elle le voyait bien faire ça dans sa cave, assis à poil et en érection sur un vieux siège pivotant récupéré dans une décharge. Juste la bonne hauteur pour son plan de travail. Au final, elle n'avait pas entièrement raison.

samedi 26 mai 2018

Les antibiotiques, c'est bien mais chaque matin, je me demande si je fais caca pour deux jours ou pour deux personnes.

samedi 19 mai 2018

Les mariages princiers suscitent peut-être, malgré eux, un engouement populaire proche de la régression infantile. Le conte de fées "pour de vrai" en simultané avec les exigences de démocratie directe, ça ne vous semble pas curieux? Ces récits, il est bien possible que nous ne sachions plus du tout les lire.

lundi 14 mai 2018

ALERTE INFO: j'apprends par courriel que Royal Canin m'offre un an de nourriture.

vendredi 4 mai 2018

The Hungry Moon, de Ramsey Campbell

Cette note de lecture est également accessible dans Le Salon Littéraire.

 Dans ce roman paru en 1986, la commune de Moonwell (« le puits de la Lune »), située dans le nord de l'Angleterre, entre Sheffield et Manchester, voit se perpétuer ses coutumes héritées de l'époque druidique, en particulier celle consistant à décorer le pourtour d'un puits de mine abandonné, à chaque début de la saison estivale. Mais voici qu'un exalté religieux de confession chrétienne, Godwin Mann, se présente avec ses disciples afin de mettre un terme à ces pratiques païennes. Pour ce faire, il entreprend de descendre dans l'ancien puits afin de réduire à néant le mal qui, selon lui, s'y tapit. De fait, il rencontre effectivement quelque chose qui va le subjuguer et faire de lui sa marionnette. Personne ne se doute que ce qui remonte du puits n'est plus un être humain.

De manière lente mais inexorable, l'emprise de la secte va se resserrer sur Moonwell. La conversion (dont l'étymologie signifie « retournement ») va métamorphoser la population locale et, pour tout dire, en faire une masse très dangereuse mais ce n'est pas tout. En juin, en plein jour, l'obscurité tombe sur Moonwell, d'abord sous les apparences d'une tempête qui n'en finit pas de ne pas éclater, puis sous la forme de ténèbres infranchissables : le réseau électrique ne fonctionne plus, toutes les communications avec l'extérieur sont coupées, plus personne ne ravitaille la commune (dont il est désormais physiquement impossible de s'éloigner) ; plus aucune personne extérieure ne semble se souvenir de l'existence de Moonwell. Dans la bourgade et aux alentours, tout revêt ensuite une lumière blafarde et glacée, des présences mystérieuses et dangereuses rôdent, les visages des habitants prennent des apparences de masques lunaires, Mann ne sort plus de sa chambre d'hôtel dont la fenêtre devient la seule source de lumière au pied de laquelle les fanatiques et les phalènes humaines fanatisées viennent chanter des hymnes... Seules quelques personnes, sur lesquelles le contrôle de Mann (ou plutôt de ce qui possède Mann) ne parvient pas à s'exercer, tentent de résister à la violence ténébreuse qui s'est emparée de Moonwell.

The Hungry Moon (paru en français sous le titre La lune affamée, dans une traduction proposée par Gérard Lebec) illustre le proverbe selon lequel « qui veut faire l'ange fait la bête ». La lumière lunaire (moon) est inexistante en tant que telle, elle n'est que la lumière solaire réverbérée mais, par le fait de cette réflexion, elle devient autre chose, de même que l'être humain (man), qui ne peut regarder la lumière en face sous peine de mourir, doit réfléchir (mind, mentus), c'est-à-dire travailler en vue d'obtenir une connaissance qui ne peut être qu'indirecte, secondaire. Celle-ci n'en est pas moins légitime dans l'ordre qui est le sien. Le problème est justement que Mann (le bien nommé pour la circonstance) rejette, au nom de sa religiosité dévoyée, toute la part de puissance et de vérité contenue dans la symbolique pré-chrétienne. Pour quelle raison, en outre, Mann se lance-t-il dans cette croisade ? C'est parce que son acteur de père, jadis, joua le rôle du Diable dans une série b, ce qui l'embarrasse beaucoup mais le détail qui m'a immédiatement frappé en découvrant le personnage de ce fils halluciné, c'est qu'il est originaire de Californie. J'ai déjà eu l'occasion, ailleurs, d'indiquer à quel point la côte ouest des Etats-Unis est, en tant qu'extrême de l'Occident, la zone où naissent les simulacres les plus inquiétants de nos spiritualités traditionnelles. Le récit fictif accrédite cette réalité.

Pour ce qui est du monstre, il y a bien sûr plus d'un angle d'approche. Le fait d'être une forme d'intelligence non-humaine, d'antiquité pré-humaine, a fait dire à certains que Ramsey Campbell, l'auteur, avait pompé sur Stephen King lorsque celui-ci sortit, la même année, son pavé It. Il semble pourtant que Campbell se soit en fait inspiré d'Howard Phillips Lovecraft, écrivain difficilement contournable dans son genre (contrairement à King) mais à l'égard duquel il a su régler la dette. L'entité antagoniste de The Hungry Moon manifeste l'aspect ténébreux du symbolisme lunaire : ce qui est bonne réceptivité devient ici passivité redoutable ; la création heureuse placée sous le patronage de l'astre des nuits devient fécondité tératologique. Le vieux rite estival autour du puits de mine est en fait un dispositif de contention et une autre façon de voir les choses est évidemment de se pencher sur l'aspect purement métaphorique de l'adversaire surnaturel : ce dernier ne fait que matérialiser l'aveuglement de Godwin Mann et de ses sectateurs. À ce titre, on remarquera que Campbell, dans le texte, ne se réfère jamais à l'argent, métal traditionnellement associé à notre satellite (faisant ainsi de The Hungry Moon une sorte de lipogramme stylistique), comme si, en définitive, il s'agissait de ne pas oublier que la « vraie » Lune, notre Lune physique et folklorique habituelle, n'est pour rien dans la démence qui accable Moonwell.

Ramsey Campbell ne me donne pas entière satisfaction dans sa manière de dénouer l'intrigue. C'est fait, à mon avis, de manière trop rapide et pas assez creusée si l'on compare avec ce qui précède dans le roman où, là, tout est soigneusement installé. L'ambiance crépusculaire puis la terreur nocturne sont parfaitement exprimées (les scènes d'égarement forestier me semblent particulièrement efficaces) mais encore plus dérangeants sont les passages de The Hungry Moon dans lesquels toute la violence humaine se manifeste au stade intermédiaire de la possession ou, pour le dire autrement, quand, en définitive, il n'est peut-être nul besoin d'une espèce de vampire psychique pour la faire surgir. Cette violence-là, quelle qu'en soit au fond la cause, n'est hélas que trop réelle. Campbell, qui dit se sentir plus à l'aise dans l'écriture de nouvelles, prouve qu'il est loin d'être négligeable en tant que romancier, en dépit des gros camions à blockbusters qui monopolisent à l'ordinaire le devant de la scène en matière de littérature d'horreur et de fantastique.