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Deux jeunes filles de bonnes familles, Anne et Lore, s'ennuient ferme dans leur pensionnat religieux du Maine-et-Loire. Se disant (en cachette) consacrées à Satan, elles répandent le mal autour d'elles. C'est en fait un peu plus compliqué que ça. D'entrée de jeu, ce premier film de Joël Séria, réalisé entre 1969 et 1971, semble farouchement anti-clérical mais cela me semble facile, bien trop facile. Reprenons: nos lycéennes voient, par le trou d'une serrure, le baiser lesbien de deux nonnes, baiser que l'une d'elles (Anne) dénonce à son confesseur, lui-même travaillé par la chair. Elles allument des rustauds de campagne, tuent deux oiseaux en cage, détournent de leur usage prévu des hosties, incendient des meules de paille, imaginent (au cours de son homélie) un prêtre s'adonnant à des perversions sado-maso, parodient une montée au Calvaire, tuent un inconnu. Malgré ce palmarès, Anne (Jeanne Goupil) et Lore (Catherine Wagener) cherchent à se défaire du monde mort qui est le leur. Paroissiens inattentifs ou perclus de bondieuserie, clergé hypocrite, parents démissionnaires, pas étonnant qu'elles s'adonnent à la lecture de textes jugés (à l'époque) subversifs: Baudelaire et Lautréamont. Et encore ont-elles déniché cette littérature dans le grenier de leur pensionnat! On ne sait s'il s'agit là du fruit de confiscations antérieures ou si le ver serait dans le fruit même sans les agissements des deux donzelles!
Deux jeunes filles de bonnes familles, Anne et Lore, s'ennuient ferme dans leur pensionnat religieux du Maine-et-Loire. Se disant (en cachette) consacrées à Satan, elles répandent le mal autour d'elles. C'est en fait un peu plus compliqué que ça. D'entrée de jeu, ce premier film de Joël Séria, réalisé entre 1969 et 1971, semble farouchement anti-clérical mais cela me semble facile, bien trop facile. Reprenons: nos lycéennes voient, par le trou d'une serrure, le baiser lesbien de deux nonnes, baiser que l'une d'elles (Anne) dénonce à son confesseur, lui-même travaillé par la chair. Elles allument des rustauds de campagne, tuent deux oiseaux en cage, détournent de leur usage prévu des hosties, incendient des meules de paille, imaginent (au cours de son homélie) un prêtre s'adonnant à des perversions sado-maso, parodient une montée au Calvaire, tuent un inconnu. Malgré ce palmarès, Anne (Jeanne Goupil) et Lore (Catherine Wagener) cherchent à se défaire du monde mort qui est le leur. Paroissiens inattentifs ou perclus de bondieuserie, clergé hypocrite, parents démissionnaires, pas étonnant qu'elles s'adonnent à la lecture de textes jugés (à l'époque) subversifs: Baudelaire et Lautréamont. Et encore ont-elles déniché cette littérature dans le grenier de leur pensionnat! On ne sait s'il s'agit là du fruit de confiscations antérieures ou si le ver serait dans le fruit même sans les agissements des deux donzelles!
Au beau milieu de tout cela, Anne et Lore (dont les prénoms sont à même de fusionner en un troisième) se jurent un amour éternel au cours d'une cérémonie privée. Là, j'ai un peu l'impression que ceux qui n'ont pas vu le film (tiré d'un fait réel, l'affaire Parker-Hulme) s'attendent à ce que je leur décrive par le menu des scènes de sexe entre filles. Eh bien, pas du tout. Ce qui est admirablement montré dans ce film, c'est la découverte par Anne et Lore, découverte maladroite et aux conséquences graves, certes, mais découverte malgré tout de la tension entre le désir attisé et sa satisfaction. Mais ne nous délivrez pas du mal ne serait-il pas, en fait, un essai de tantrisme chrétien? Les deux jeunes filles ne sont pas des coucheuses en dépit de leurs provocations sur la gent masculine, gent d'ailleurs pas très gentlemanesque, et même pas du tout, qu'il s'agisse des hommes de champs ou de l'homme de la ville. Qu'en est-il donc, alors, de cette consécration à Satan? Ce dernier est bien le grand absent de l'histoire. Ce que Anne et Lore ne comprennent pas, du moins pendant un certain temps, c'est que leur serment d'amour a bien été prononcé devant Dieu, malgré les apparences, mais pas le Dieu-Père-Fouettard des paroissiens de leur coin de campagne. Il faudra le catéchisme de l'œuvre baudelairienne pour réactiver, à la face de ce monde mort, l'incendium amoris de la haute mystique. C'est tout le sens que prend la représentation théâtrale organisée par le pensionnat. L'Esprit souffle où il veut, même devant des religieuses horrifiées par la récitation de poèmes de Baudelaire, récitation pas du tout prévue au programme, bien sûr! L'Esprit souffle où il veut, même devant un public de parents d'élèves abrutis, ignares, qui applaudissent sans comprendre quoi que ce soit. C'est que, entraînées par les conséquences de leurs actes, elles redoutent qu'on les sépare. Elles iront donc au bout de leur serment et s'uniront finalement par un incendium amoris dont la manifestation historique, en quelque sorte, prendra la forme d'une immolation littérale, volontaire. La représentation théâtrale subit par conséquent un retournement: elle n'est plus le spectacle d'une illusion mais la réalité de même (au passage) que la condamnation définitive de l'illusion bienséante dans laquelle le public n'en finit pas de se croire en vie. Anne et Lore ont vaincu leur Enfer. D'ailleurs, la dernière image du film ne montre-t-elle pas des flammes d'incendie venant lécher un dais tendu au-dessus des deux jeunes filles et sur lequel la devise AD MAJOREM DEI GLORIAM a été brodée?
Mais ne nous délivrez pas du mal est un film réalisé avec peu de moyens mais beaucoup d'intelligence. Il est toujours d'actualité, me semble-t-il.
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