Le titre de ce roman (qu'on peut rendre en français par "ça pleure pas, un monstre") laisse entendre le contraire de ce qu'il affirme; ce faisant, le lecteur semble orienté vers quelque chose d'assez classique puisque déjà lu (ou vu en film) de nombreuses fois: derrière la monstruosité se cache l'humanité, formule peut-être inaugurée par le Frankenstein de Mary Shelley. Natasha est une jeune fille prisonnière de son domicile, sous la garde de parents quelque peu déséquilibrés. Ajoutons que Natasha est difforme et présente un retard mental accusé, très accusé même, si j'ose dire, par sa mère, actrice ratée, nymphomane dépravée qui rejette sur sa fille (et sur le reste du monde) sa significative dose de haine et de dégoût. Hormis l'amour que lui porte son père, Natasha n'a pas de contact avec le monde extérieur et ne connaît de celui-ci que des magazines de mode et les cassettes du feuilleton dans lequel, jadis, sa mère a joué.
Natasha veut un Prince charmant.
À la suite de circonstances particulières (vous noterez bien que je fais exprès de ne pas tout dire), Natasha quitte sa maison, se retrouve dehors, cherche son prince. Bruno, étudiant en difficulté, vend de la drogue pour le compte de la fascinante, nymphomane et psychopathe Matilda. La rencontre de Bruno avec un flic nouveau venu sur le campus va rompre l'équilibre de l'accord passé entre dealer et boss. Cette dernière se met en quête de son ancien employé; on se doute bien que ce n'est pas pour lui remettre une lettre de licenciement rédigée en bonne et due forme. Prenant la fuite, Bruno va faire la rencontre de Natasha.
C'est loin d'être fini, évidemment, mais ce que je crois important de souligner, c'est que Monsters Don't Cry est un jeu de masques posés et retirés par les uns et les autres ou, si l'on préfère, un jeu de cache-cache entre fiction souhaitée et réalité inéluctable. Les monstres ne sont pas aussi monstrueux qu'on pourrait le croire, effectivement, dans la mesure où sera faite, dans cette histoire, la distinction entre l'amoralité virginale de Natasha et l'immoralité des autres, coupables d'avoir en quelque sorte inventé des fictions qu'à différents égards, ils n'assument pas. Shane McKenzie, lui, maîtrise parfaitement son texte, que ce soit dans les scènes d'horreur ou dans l'étude de ses personnages. Outre l'étalage récréatif de gore, j'ai éprouvé une saine satisfaction vicieuse devant son refus d'orienter son protagoniste Bruno sur une route toute tracée (qui eût été trop évidente pour ne pas devenir une fiction suspecte) de dépassement de soi.
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