Aux
Etats-Unis, l'employé du gouvernement John David Welles cherche à
dérober les documents secrets d'un nouveau carburant pour fusées.
Sa tentative échoue et il se retrouve gravement défiguré après
une explosion sur la base Groundstar, son lieu de travail. En fuite,
il échoue dans la maison d'une certaine Nicole Devon (interprétée
par Christine Belford), jeune divorcée, et perd connaissance.
Celle-ci appelle une ambulance, les autorité sont alertées et, très
rapidement, Welles subit une opération de chirurgie esthétique puis
se fait interroger de manière brutale par Tuxan, un agent de
renseignement de type dur à cuire. Welles, cela dit, affirme n'avoir
aucune mémoire de son forfait ; il ne souvient même pas de sa
vie, en dehors de quelques images vagues d'une femme et d'enfants sur
une plage.
Malgré
les techniques musclées d'interrogatoire auxquelles Tuxan a recours
(électrochoc, immersion), Welles maintient sa version de l'amnésie
totale et manque se faire assassiner par quelqu'un de l'extérieur.
Tuxan permet à Welles de s'échapper dans l'espoir qu'il les mènera
aux commanditaires du vol. Welles se rend chez Nicole et la supplie
de l'aider à recouvrer la mémoire. Elle ne sait cependant rien.
Tuxan
finit par retrouver les conspirateurs et révèle toute la vérité à
Welles qui ne parvient toujours pas à se rappeler les détails du
vol. Le vrai John David Welles est en fait mort au cours de son
transfert à l'hôpital, la nuit de l'explosion. L'homme dont on nous
a dit jusqu'ici qu'il s'appelait Welles est en fait Peter Bellamy, un
autre agent du gouvernement américain. Ayant récemment perdu sa
femme lors d'un accident (ce qui correspond à ses bribes de
souvenirs) et considérant que sa vie ne valait plus la peine d'être
vécue ni conservée en mémoire, Bellamy s'est porté volontaire
pour subir un lavage de cerveau et prendre l'identité de Welles afin
de débusquer les vrais coupables.
Cette
co-production canadienne et américaine, tournée en 1971 par Lamont
Johnson et sortie en 1972, est une adaptation libre du roman du
Britannique L.P. Davies The Alien, paru en 1968. L'œuvre de
Davies, assez orientée vers la science-fiction, l'horreur et le
mystère, présente souvent des personnages en proie à l'amnésie,
en quête de leur identité véritable. Philip K. Dick est peut-être
l'arbre qui cache la forêt L.P. Davies. Il va s'avérer
indispensable de se pencher à nouveau sur son cas.
Comme
on pourrait s'y attendre à propos de The Groundstar Conspiracy
(titre français : Requiem pour un espion), ce film mâtiné
d'un vague fond de science-fiction offre une ambiance de confusion et
de paranoïa. Je trouve le résultat assez convaincant malgré le
passage des années et l'écart avec le texte d'origine mais ce qui
m'intéresse le plus, dans cette histoire, c'est la radicalité de
Tuxan et de Welles/Bellamy. Ce dernier, malgré son statut d'homme
traqué (interprété de manière convaincante par Michael Sarrazin,
acteur peut-être injustement mésestimé), est dans un sens aussi
déterminé que celui qui semble être son antagoniste principal.
Cette détermination trouve sa source dans l'intolérable souffrance
d'un deuil. Apparemment victime, Bellamy a oublié qu'il est en fait
le volontaire d'une mission-suicide et que son amnésie est la clef
du plan concocté avec Tuxan !
Cela
explique peut-être l'élément « groundstar » du titre.
Une étoile (star) abattue, jetée à terre (ground,
grounded). Dans The Alien, la question est également
de déterminer l'identité du protagoniste. Si on veut bien faire
abstraction du dévoilement d'intrigue effectué plus haut, on
s'interroge tout autant dans le film. Welles aurait presque des
allures d'homme tombé du ciel, pour faire un clin d'œil au roman
éponyme de Walter Tevis (The Man Who Fell to Earth). L'autre
personnage radical est Tuxan, dont le nom offre une ressemblance avec
« tocsin » (tocsin) et « toxine »
(toxin). À lire çà et là quelques critiques du film, Tuxan
serait une ordure, un fasciste, un psychopathe, period. Je
dirai pour ma part qu'il est inflexible, sans états d'âme autres
que la raison d'Etat. Il se dit d'ailleurs prêt à mettre sur écoute
sa propre famille si cela doit renforcer la sécurité du pays. Il
s'est mis lui-même sur écoute ! Si on le laissait faire, il
placerait des micros dans toutes les chambres à coucher car c'est là
que naissent tous les complots, toutes les révolutions. Bien
entendu, il ne choque pas que certains spectateurs mais aussi
d'autres personnages de l'intrigue. Au final, cependant, il serait à
sa manière (comme l'amnésique quoique d'une manière différente)
un homme qui a tout sacrifié, bien conscient que dans le lot des
dépossessions, il y avait sa réputation et jusqu'à la capacité de
se faire aimer. Après, on peut aussi se demander si tout cela ne
serait pas qu'un prétexte. Tuxan serait le sadique et Welles/Bellamy
le masochiste d'une relation trouble.
Je vais aller encore plus
loin : je trouve fascinant le jeu de George Peppard, qui incarne Tuxan. Il est parfait dans ce rôle malgré son monolithisme apparent. Je le trouve d'autant plus fascinant que Peppard a régulièrement été perçu comme un sale con pendant les tournages de ses divers films et séries. À l'époque de The
Groundstar Conspiracy, sa réputation était déjà en berne
(cantonné qu'il était aux rôles d'action depuis la fin des années soixante jusqu'au tout début des années
quatre-vingt ; il lui faudra attendre 1983 pour retrouver un
second souffle avec le drôlatique et incontournable The A-Team). Ont toujours
été invoqués dans son cas un problème d'alcoolisme et de
personnalité (même dans ses périodes les plus fastes). Peppard n'a
peut-être pas entièrement eu la carrière qu'il méritait car
c'était avant tout un acteur très doué mais, à regarder le film
de Johnson, je me pose tout de même une question, je le reconnais,
un peu vicieuse : dans quelle mesure a-t-il composé
Tuxan? The Groundstar Conspiracy est selon moi un film à
redécouvrir car il possède, pour toutes ces raisons (et peut-être
d'autres encore), une densité qu'on ne lui a pas forcément reconnue
malgré ses acteurs, son montage nerveux et son intrigue bien menée.
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