Cette note de lecture est également lisible sur Mauvaise Nouvelle.
Dans ce qui constitue son premier ouvrage, Joshua Cutchin, natif de la Caroline du Nord, s'intéresse à un aspect particulier du problème ovni, à savoir ces nombreuses expériences au cours desquelles les contactés (ainsi que les personnes enlevées) se voient offrir par les supposés extra-terrestres de la nourriture et de la boisson.
Cette facette de l'énigme peut sembler insignifiante, indigne
d'intérêt ou trop obscure pour qu'on s'y arrête mais il n'en est
rien. Cutchin établit un parallèle entre ces rencontres, qu'on
pourrait qualifier de « modernes », et les vieux récits
folkloriques faisant état d'incursions dans le monde du « Petit
Peuple », autrement dit des fées, lutins, gnomes, trolls, etc.
Ce corpus légendaire s'étend sur toute la surface du globe et offre
des similitudes significatives avec les témoignages de contacts
établis par des intelligences semble-t-il non humaines. La surprise
de cette découverte est à la mesure du délaissement de nos racines
et de notre méfiance face à tout ce qui ne rentre pas dans le cadre
d'un journal télévisé standard et neurophage.
Cutchin n'est pas le premier à avoir emprunté cette route. Ses
travaux, en effet, s'inscrivent dans le droit fil des recherches
menées par l'astrophysicien Jacques Vallée. Ce dernier a mis en
avant le « scénario mythologique » informant bon nombres
de rencontres rapprochées. Cutchin, néanmoins, ne démérite pas :
le sujet est bien plus complexe que ce qu'on a peut-être cru à
l'époque des premières enquêtes sérieuses sur le phénomène
ovni ; par ailleurs, les observations et expériences de ce type
ne connaissent pas de décrue. On pourrait objecter que Cutchin n'est
pas, initialement, un spécialiste de cette question mais, de toute
façon, personne ne l'est. Son approche, outre ce qu'elle doit à des
chercheurs comme Vallée, Micah Hanks ou Richard Dolan, s'apparente
aussi à la quête de connaissance que mena en son temps Charles
Fort, pionnier de ce qui allait devenir, en hommage à son
entreprise, les études fortéennes.
Si ce n'était qu'une affaire d'intelligences venues d'une autre
planète afin de nous étudier ou de nous aider à progresser, nous
serions déjà impressionnés, beaucoup de structures politiques et
de dogmes seraient remis en question mais, au niveau de l'individu,
ce fin mot de l'histoire resterait malgré tout « digestible ».
Le problème, que montre de façon magistrale A Trojan Feast, c'est
qu'à ces manifestations s'associe toujours une grande étrangeté
(high strangeness) que le seul paradigme scientifique
routinier ne saurait contenir. Il se peut d'ailleurs que ce soit la
raison véritable pour laquelle les populations civiles ne
sont pas là d'assister à ce qu'on appelle en anglais (parce qu'on
l'envisage ou l'espère surtout de la part des États-Unis) a
disclosure, c'est-à-dire l'annonce officielle d'un contact ou
d'une présence extra-terrestres. Rien ne dit cependant que ce
paradigme ne va pas changer un jour ; il est peut-être même
déjà en train de se modifier tout doucement dans certains milieux
universitaires (comme le montre la récente interrogation, menée
depuis Harvard, sur les Fast Radio Bursts).
Lorsque nous revenons à l'angle d'approche privilégié par Joshua
Cutchin, nous nous retrouvons face à un impératif très simple mais
très important : comprendre le langage symbolique du mythe,
puisqu'il s'agit d'un des deux termes de comparaison. Nous n'avons
peut-être pas d'autre moyen que de partir du connu pour aborder
l'inconnu. Encore faut-il que ce « connu » le soit
vraiment ! Est-ce si évident au sein de la crétinisation
ambiante ? Est-ce réservé à tous sans distinction ?
(Vous avez raison : je ne suis pas gentil.) Cutchin émet
l'hypothèse que le langage symbolique serait la seule façon dont
disposeraient des intelligences extra-terrestres (ou
extra-dimensionnelles) pour communiquer avec nous. Mais savons-nous
réellement, sans qu'il soit même question d'étrangeté, ce que
signifie dans son principe, antérieurement à l'application
au seul domaine de la biologie, manger et boire ? Qu'y a-t-il
derrière le mythe ? Quelle vérité sans la dissimulation et le
dévoilement simultanés qu'offre tout symbole ? Qu'y a-t-il
derrière la « nourriture » et les « boissons »
que nous autres Terriens sommes invités à consommer dans le
folklore du Petit Peuple et lors de nos rencontres, de nos jours,
avec des intelligences non humaines ? Quelle est même la nature
véritable du décor de ces événements ? (Je pense au cas,
mentionné dans le livre de Cutchin, de ces automobilistes américains
prenant un « repas » dans un curieux diner, sur le
bord de la route, avec expérience de distorsion temporelle.) C'est
ainsi que l'on peut comprendre le titre de l'ouvrage, A Trojan
Feast : celui-ci fait allusion à l'anglais Trojan horse,
cheval de Troie. (Ici, la langue française nous gratifie, en plus,
d'un intéressant jeu de mots puisque A Trojan Feast pourrait se
traduire par « un festin de Troie ».)
Les recherches menées par Joshua Cutchin sont minutieuses et
empreintes d'une honnêteté sans faille. Il n'est pas question pour
lui de résoudre le problème à la fin de son ouvrage. Dans A Trojan
Feast, des questions pertinentes sont posées, des réflexions
fécondes sont initiées devant une énigme qui ne peut que nous
grandir, le courage et la bonne volonté aidant.
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