Voici donc la toute première apparition du Doctor Doom (Docteur Fatalis en
français), un des grands enculés tragiques de chez Marvel. Pourquoi
en veut-il tant aux Quatre Fantastiques, s'il ne les a jamais croisés
auparavant ? En fait, il connaît déjà Ben Grimm (The Thing)
et surtout Reed Richards (Mister Fantastic) depuis que les trois
étudiaient la physique et la chimie dans la même université.
Victor Von Doom y rate un jour une expérience dans une grosse
explosion, et se ruine la gueule. Grimm, dans son esprit, ne compte
pas : c'est un gros con. Mais l'objet de sa haine, c'est
Richards. Von Doom s'exilera, lui qui venait déjà de Latvérie,
petit royaume d'Europe centrale. Prince gitan, il ne peut sauver sa
mère accusée de sorcellerie. Sur le sol américain, il foire ses
études, dévoré par un mélange complexe de rancoeur, de désir de
justice, de jalousie. Attiré par l'occulte (outre son intérêt pour
la science), il reçoit une initiation ultra-secrète dans un
monastère tibétain : il devient le nouvel homme au masque de
fer. Habile cybernéticien, sorcier accompli, son look technomédiéval
inspirera George Lucas dans l'autre saga que l'on sait. Doctor Doom
prend le pouvoir dans son royaume et vise désormais la conquête du
monde et la destruction de Reed Richards.
With
a turn of this dial, I shall destroy the four of you, forever !!
Ah
oui, on voit bien que c'est pour couper l'air. C'est écrit dessus.
Dial,
c'est aussi un cadran d'horloge, c'est un verbe qu'on utilise pour
dire qu'on forme un numéro de téléphone ; ça vient du latin
dies,
qui signifie jour
(comme dans diurne).
Richards,
lui aussi, a foiré en beauté une de ses expériences. Il embarque
sa fiancée, le frère de celle-ci, et un ami, dans une fusée de sa
construction mais une fois dans l'espace, ils morflent une bonne
grosse dose de rayons cosmiques, ce qui n'était pas prévu. L'engin
redescend, se crashe et voici que les quatre compères ont, sous
l'influence de ce bombardement particulaire, développé des
aptitudes très étranges : Reed s'étire comme du caoutchouc,
Sue devient invisible, Johnny se transforme en torche humaine (sans
même que ça chatouille) ; quant à ben, le voici, à son grand
dam, transformé en tas de briques. On a pas mal spéculé
là-dessus : on a dit entre autres que c'était une symphonie
élémentale (Reed Richards pour l'eau, Sue pour l'air, etc).
Pourquoi pas. D'ailleurs, sur la couverture, Reed dit fort à propos
que sa force le quitte, my
strength is ebbing,
ce qui intéressant car on utilise le même terme, ebb,
pour évoquer le flux et reflux des marées (ebb
and flow).
Ben Grimm, pour sa part, est aussi une variation sur la thématique
du golem
(c'est, en plus, un personnage de confession juive).
Sur
la couverture de ce cinquième numéro, Richards semble oublier que
Doom s'exprime à distance, sur un écran. Le fait de vouloir
l'atteindre (I've
got to reach him)
ne va pas servir à grand chose. Doom vide la pièce de son oxygène.
Il faudrait que je relise cette histoire, mais disons que j'imagine
très bien ce salaud en train de tourner lentement le bouton, pas
trop vite ; il faut bien jouir sadiquement de chaque seconde.
Comme je le comprends.
Richards
est la tronche de service, c'est lui qui bavasse le plus, même dans
une situation périlleuse. Grimm est plus concis : son I
gotta
est synonyme de I've
got to
(il faut que). On saura par la suite qu'il dispose d'une capacité
pulmonaire supérieure à la moyenne, donc il pourrait retenir son
souffle plus longtemps que ses comparses. Sa force physique lui
permettrait également de défoncer sans problème la paroi blindée
qui les sépare de Sue. Mais bon...
On
a souvent dit, écrit, que les comicbooks
étaient, en gros, de la couille en barre pour adolescents
boutonneux, geeks irrécupérables. C'est peut-être vrai, et si
c'est le cas, tant mieux. Il n'est pas question que je vous ressemble
(cela dit, je n'ai jamais eu de problème de boutons). En revanche,
moins nombreux sont ceux qui ont relevé que dès les années
cinquante (les Fantastic Four sont apparus au début des années
soixante), les équipes créatives avaient tenté de contrer cet
argument (qui n'en était pas vraiment un mais qui pesait d'un poids
certain dans l'Amérique puritaine) en saupoudrant les histoires de
connaissances jugées instructives pour la jeunesse. Il s'agissait de
rassurer les parents. C'est peut-être pour cela que Johnny, The
Human Torch, dit ce qu'il dit : le môme qui lit cette aventure
contre ce salaud de Doom aura du moins appris que l'oxygène est un
facteur de combustion. Les douze cents payés à l'époque n'auront
pas été dépensés en vain. Cela étant, ce n'était pas la peine
de s'envoler pour aller se beugner dans un écran, hein, Johnny
boy...
Et
puis ma préférée, la potiche de service, j'ai nommé The Invisible
Girl, Susan Storm (à l'époque, elle n'a pas encore épousé mister
Richards), curieusement rebaptisée Janet dans la traduction
française. Être une femme libérée, tu sais, c'est pas si facile,
mais alors jouer les invisibles... On s'est longtemps demandé à
quoi elle servait, dans cette série, en dépit de tous les efforts
déployés par les scénaristes (Stan Lee le premier, lui qui est
co-créateur de la série avec feu Jack Kirby) pour la maintenir au
même rang que ses coéquipiers. Ici, sur cette couverture, c'est
l'incarnation de l'impuissance, de l'inutilité. Attention, je ne
parle pas des planches de la série, c'est-à-dire de l'histoire
elle-même, mais bien de la seule couverture. I
must get in to save them !
Ben oui, tu veux entrer pour les sauver, mais tu vas faire comment,
avec les mains liées ? Et puis tu vas faire quoi, au juste ?
Gourdasse ! Et quel intérêt d'être invisible quand les liens
qui vous enserrent les mains ne le sont pas et vous font donc repérer
malgré tout ? Afin d'accroître la valeur dramatique du
personnage, il sera imaginé par la suite qu'elle peut également
projeter des champs de force invisibles (ça peut s'avérer
intéressant pour contenir des flatulences).
J'ai
une théorie : je pense que Doom a envie de se faire Susan
Storm. Ben Grimm aussi, d'ailleurs. Et puis Submariner (Namor, le
prince des mers). Elle-même, bien qu'amoureuse de Reed (elle
l'épousera tout de même et aura un enfant de lui), n'est pas
insensible au souverain des profondeurs. Mais Doom ? Ah Dieu,
non, quelle horreur. Avec son masque, son armure, ses doigts
métalliques...
Voire.
J'ai
trop lu d'histoires de persécuteurs sadiques de jeunes filles
éplorées soi-disant plutôt prêtes à se suicider que coucher pour
qu'on me fasse croire certaines choses. J'attends donc à présent
vos fan fictions sur le thème du bondage
Victor Von Doom/Susan Storm-Richards.
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