Si le Gallois Andrew
Phillip Smith ne se considère pas comme un gnostique, il n'en
demeure pas moins que ce courant religieux est une influence majeure
de sa bibliographie. The Secret History of the Gnostics (sous-titre :
Their Scriptures, Beliefs and Traditions), paru en 2008, n'est pas
son premier ouvrage sur le sujet mais, comme il l'indique sur son
site, celui dont il conseille la lecture, en guise d'introduction, à
toute personne intéressée par le sujet.
Le gnosticisme (du grec
gnosis, « connaissance ») a connu beaucoup de
courants, fait l'objet de persécutions depuis les premiers temps du
christianisme jusqu'au moyen âge, avec l'éradication du catharisme
(mais, hélas, pas seulement). Cela dit, l'absence d'une
centralisation pastorale fait que l'une ou l'autre de ces variantes a
toujours pu revoir le jour, ici ou là. C'est encore vrai de nos
jours.
Grosso modo, aux yeux
d'un gnostique, le Dieu créateur de l'Ancien Testament n'est pas le
Dieu ultime, primordial (la coexistence des termes « ultime »
et « primordial » n'est pas un oxymore) mais un démiurge
incompétent, ce qui expliquerait qu'ici-bas, nous vivions et
mourions dans un monde de merde. Les anges de ce démiurge (les
archons) ne seraient pas là pour nous aider mais pour nous enferrer
encore davantage dans l'illusion. Dans cette lutte, d'autres êtres
issus du Plérôme (station spirituelle supérieure) nous viennent en
aide : ce sont les éons. Nous ne sommes pas très loin du thème
de Matrix, dont le sous-texte gnostique a marqué les esprits (la
fameuse pilule rouge) sans qu'il ait été besoin d'une quelconque
dénomination religieuse officielle, déclarée. Chassez la gnose par
la porte, elle revient par la fenêtre.
Smith (et non l'agent
Smith), puisqu'il s'agit d'une présentation générale de cette
école de pensée, tente avec succès, dans cet ouvrage, d'offrir un
texte dûment étayé par nombre d'études antérieures et aussi,
bien entendu, par la littérature gnostique retrouvée en 1945, dans
une jarre, à Nag Hammadi (Égypte). Il n'est pas question pour lui,
en revanche, de dessécher sa substance par un excès de formalisme
universitaire. Qu'on me comprenne bien : je ne suis pas en train
de dire que ce bouquin a été torché à la va-vite. Il est au
contraire rédigé de façon accessible à toute personne ressentant
le besoin d'aller visiter une zone théologiquement condamnée mais
pour laquelle un regain d'intérêt significatif se manifeste malgré
tout depuis quelque temps. Smith passe en revue la conception de Dieu
dans le gnosticisme (qui n'est pas du tout un négationnisme), la
distribution de ce courant dans différentes sectes (mot à prendre
ici dans son sens historique originel) : Séthiens,
Valentiniens, Bogomils, Cathares... Il étudie également les grandes
lignes de la psychologie gnostique, l'interprétation gnostique de la
Bible (donc les deux Testaments), la pratique religieuse concrète,
les origines du gnosticisme puis la variante particulière que fut le
manichéisme. Enfin, Smith se penche sur la transmission des
connaissances (en termes de générations et d'espaces
géographiques), le destin tragique des cathares et celui, très
incertain, du dernier courant gnostique actuellement constitué en
Église, le mandéisme.
L'auteur conclut son
livre en insistant sur le fait, souligné plus haut, que ce mouvement
est toujours susceptible de perdurer, voire de connaître d'autres
floraisons. Ce peut être par le biais du cinéma, de la littérature,
de la bande dessinée, de la musique... Tout, à la limite, peut être
« gnostique » ou se voir rattaché à cette orientation,
ce qui peut se révéler problématique ou engendrer une impression
de dilution qui ne signifierait plus grand chose. D'où l'intérêt
de bien connaître les bases de cette tradition. C'est ce que propose
The Secret History of the Gnostics. Personnellement, outre ce livre,
je recommande aussi la lecture des ouvrages et du site internet de
l'essayiste Pacôme Thiellement. Outre le fait que là, tout est en
français (!), il est très au fait de la question et de ses
prolongements dans la pop culture.
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