jeudi 31 août 2017

Unholy Dimensions, de Jeffrey Thomas

Unholy Dimensions est un recueil de nouvelles et de poèmes écrits entre 1988 et 2005. Les textes ne sont pas disposés dans leur ordre chronologique de parution, ce qui peut gêner un lecteur désireux de suivre particulièrement l'évolution stylistique de Thomas. Concernant ce point, on peut dire en tout cas que l'auteur, s'il se réfère constamment à l'univers mis en place par Lovecraft, sait aussi (au final) prendre ses distances par rapport à celui qui fut la chèvre-matrice aux mille petits héritiers littéraires! C'est d'ailleurs lorsque les références au Cthulhu Mythos sont rares, voire inexistantes, que l'auteur est le plus efficace. Il est en effet ardu, de plus en plus ardu, de continuer de faire du neuf avec du Grand Ancien. Le seul saupoudrage des noms plus ou moins connus de cette grande création littéraire (Cthulhu, Nyarlathotep, Yog-Sothoth, Shub Niggurath, Arkham, Miskatonic, Innsmouth, Necronomicon, etc), largement ignorée du vivant de son créateur, ne suffit désormais plus à garantir le plaisir de la lecture. Qu'on se rassure cependant: jamais, dans ce recueil, Jeffrey Thomas ne tombe dans ce travers, même, donc, en cas de références explicites.

"Unholy dimensions" peut se traduire par "dimensions impies". Les vingt-sept textes composant ce recueil sont une exploration de la manière dont le Cthulhu Mythos va se colorer dans des contextes différents, avec des points de vue narratifs multiples. Certaines nouvelles relèvent de la science-fiction, je dirai de la science-fiction explicite car, à strictement parler, les créatures créées par Lovecraft appartiennent également à ce genre quand bien même on a longtemps vu en elles l'ameublement d'une littérature fantastique. Ce qui a changé, c'est qu'un lecteur de 2017 a vu se développer, au cours des dernières années, des théories et découvertes scientifiques considérées jadis comme de la pure spéculation, autrement dit de la littérature. (En son temps, Maurice G. Dantec eut raison de voir dans la littérature de science-fiction la littérature du réel.) Ce qui semble surnaturel (appartenant au fantastique) n'est peut-être que du réel non expliqué ou, plus exactement, pas encore traduit en langage scientifique officiel. La science-fiction explicite, alors, relève du décor dans lequel se déroulent les trois premières histoires: futur non daté mais assez proche, expansion spatiale, peuplement d'exoplanètes, rencontres et coopération avec des intelligences extra-terrestres. La noirceur cosmique des entités tentant de s'approprier l'univers (rien de moins) n'en est pas atténuée pour autant. Face à une telle démesure de puissance, Homo Sapiens (ainsi que les autres races intelligentes) demeure à jamais minuscule (ce qui ne signifie pas forcément vulnérable). Il s'agit donc pour Jeffrey Thomas, dans cette anthologie, de dresser l'évolution de notre langage face au radicalement différent, quoique, d'une manière étrange, également tout proche. Cette chronologie s'étend du passé biblique à un futur possible de notre humanité. La réécriture de la célèbre histoire du prophète Jonas est une des grandes réussites du recueil. Pour ce qui est du présent, on lira aussi avec beaucoup d'intérêt une intrigue mettant en scène des Yézidis, communément appelés "adorateurs du Diable", au cours de la guerre en Irak. Quant au futur, donc, je renvoie aux trois premières nouvelles dont le point commun est un personnage de résistant à l'invasion. (Un des poèmes, Ascending to Hell, rappelle aussi Dante.) Cette compilation, par conséquent, ne devrait pas décevoir les amateurs éclairés (et les "néophytes"), en particulier lorsqu'elle opte pour le non-dit. 
Une des plus belles choses en ce monde est la continence buccale que certains appellent le vœu de silence.
Le 31 août 2014 dans l'après-midi, je mangeai des BN choco et bus du thé vert nature. Alors, des visions de soucoupes volantes décollant d'une base antarctique s'imposèrent à mes neurones en floraison accélérée. 

mardi 22 août 2017

OVNI, l'extraordinaire découverte, de Jean-Claude Bourret et Jean-Pierre Petit

Pour leur nouvelle collaboration, publiée aux éditions Trédaniel, le journaliste Jean-Claude Bourret et le physicien Jean-Pierre Petit reprennent le complexe dossier OVNI par le biais d'une découverte cosmologique initialement sans rapport direct avec un phénomène encore largement considéré comme tabou au sein de la communauté scientifique française.

Il s'agit d'un livre-entretien entre deux chercheurs de vérité qui s'étaient déjà rencontrés en 1975 autour d'une première enquête, Le nouveau défi des OVNI. Dans cette nouvelle parution de 2017, Jean-Claude Bourret reprend le rôle de Candide, rôle auquel le lecteur s'identifiera sans peine étant donné l'ampleur et la complexité des questions abordées. Jean-Pierre Petit, cependant, en est parfaitement conscient et il faut préciser de suite que les deux intervenants font leur possible pour faciliter la compréhension du lecteur peu versé en sciences. Ils y parviennent mais il n'en demeure pas moins qu'OVNI, l'extraordinaire découverte est un ouvrage très dense et, surtout, fascinant.

Je n'aurai pas l'outrecuidance de commenter en expert (ce que je ne suis pas). Ce que je retiens, c'est que Petit réfute la théorie des cordes et l'existence d'une singularité au cœur des trous noirs. Concernant ces derniers, il pense que ceux-ci débouchent sur un autre univers, un univers jumeau constitué d'antimatière. Au passage serait expliqué, grâce au modèle Janus (dieu romain à deux têtes regardant dans des directions opposées, et gardien des portes) le mystère de la matière noire, mais pas seulement : une intelligence (en interaction avec nous depuis très, très longtemps) serait capable de passer d'un univers à l'autre à bord d'engins prévus à cet effet. Cela permettrait de comprendre, par exemple, le fait que ces véhicules soient capables d'opérer des virages à 90° sans déperdition de vitesse. Stephen Hawking, en tout cas, a remis en cause (en 2016) l'existence d'une singularité au centre des trous noirs.

Dixit Jean-Pierre Petit : « L'énergie d'une masse m, c'est mc2. Si cette masse est négative, l'énergie est aussi négative. Les particules de masse et d'énergie négatives émettent des photons d'énergie négative que nos yeux et nos télescopes ne peuvent pas capter. C'est aussi simple que cela. »

Selon Petit, la résolution du problème ovni passe par une attitude nuts and bolts, autrement dit par la science dure. Il conçoit ce phénomène comme un véhicule, une machine, et rien d'autres. Son approche se veut en rupture avec l'angle anthropologique ou religieux, en particulier avec celle de Jacques Vallée. S'il reproche à ce dernier son hypothèse du « tout paranormal », il n'en demeure pas moins que Vallée aussi est un scientifique de formation. Par ailleurs, ce « paranormal » en question est peut-être un « normal » non expliqué ou éventuellement la perception désormais incomprise de phénomènes connus depuis fort longtemps mais actuellement intraduisibles dans notre paradigme.

Quoi qu'il en soit, l'entretien de Petit et Bourret se projette bien au-delà des seules données scientifiques. C'est en premier lieu le compte-rendu détaillé, amer mais dépourvu de haine, d'une carrière scientifique brisée. Dans la sphère scientifique française, il semble que tout soit mis en œuvre pour ne pas faire de vagues lorsqu'il s'agit d'aborder un phénomène absolument irréfutable mais qui possède l'inconvénient de ne pas être soluble dans les CV universitaires. On pourrait ajouter une autre hypothèse : l'interaction ovni/homo sapiens est établie dans certains milieux mais elle pose des difficultés et des enjeux tels qu'il est impératif de mettre au placard tous « emmerdeurs » éventuels du type Jean-Pierre Petit (connu entre autres pour sa volonté de transparence).

S'arrêter à ces points, susceptibles de vite déboucher sur des querelles de personnes, ne ferait pas justice à Petit. L'étude des ovnis, parallèlement à la physique des plasmas, la cosmologie, ne fait que mettre en évidence les graves et immédiats problèmes de notre survie. La conversation avec Bourret évoque bien d'autres domaines que la seule physique : il est question aussi de biologie, de philosophie, bref d'une remise en cause globale de notre histoire, toute notre histoire. Comment expliquer la recrudescence des observations d'ovnis depuis notre première utilisation de l'atome ? Il est certain que nous « les » intéressons mais qui nous dit que nous ne nous trouvons pas, de ce fait (notre recours aux particules élémentaires), en situation particulièrement critique ? Qui nous dit que, de ce fait, nous ne « les » mettons pas aussi en danger, d'une façon ou d'une autre ? Qui nous dit que, de ce fait, nous ne mettons pas en danger notre accès à une compréhension supérieure de l'Univers, compréhension peut-être déjà partagée ici et là par bien des mondes ? Un bémol, cependant : je ne tiens pas du tout à tomber dans le délire effusif d'une « fraternité cosmique », « galactique » ou autre. Je me permets en effet d'évoquer une hypothèse plus sombre selon laquelle ces « extra-terrestres » ou « extra-dimensionnels » ne seraient pas forcément animés d'intentions bienveillantes à notre égard. L'essai de traduction en langage scientifique d'une présence vieille comme ce monde pourrait masquer d'anciennes traductions de cette présence : je renvoie pour cela à une très intéressante étude publiée en 1979 (aux éditions de la Maisnie) par le chercheur pérennialiste Jean Robin, Les Objets volants non identifiés ou la Grande parodie.

dimanche 20 août 2017

Sa tête reposait sur le ventre chaud de sa copine. Il se dit qu'au fond, son visage n'était qu'à quelques centimètres de sa nourriture en décomposition. L'été s'écoulait, paisible.

dimanche 13 août 2017

De bas en haut

Elles sont belles, ces gonzesses sur le mur. Mes muses en body painting, beaux culs, dos bien déliés, bien dégagés pour mieux donner à voir les reproductions des grands albums de Pink Floyd. Mike est un inconditionnel. Les Pink Floyd muses sont accrochées en belle reproduction dans ses chiottes mais, en fait, sur l’instant, je ne les vois pas. Je sens leur présence dans mon dos. Nous sommes dos à dos, en fait, tandis que je gerbe tout mon soûl, toute ma soul. Ca part tantôt en filets roses, tantôt en canonnade, flot livré à la zone hadale, agréé par la nuit de la plomberie, dark side of the gerbe, les filles se tiennent derrière moi, en surplomb, elles me protègent, m’empêcheront de mourir, néanmoins je m’accroche au siège dans mon vertige, la tête bien penchée, puis des voix célestes descendent jusqu’à mes oreilles, YO  PAULO, CA VA ? Mike et Marty, en avance sur moi dans la phase de rémission, se font une place du mieux qu’ils peuvent à l’étage, parmi les claviers, les guitares, les tables de mixage, les zinzins auxquels je ne comprends pas grand chose. OUAIS, réponds-je pour les rassurer, et je pense qu’ils entendent mon sourire, comme au téléphone. En réalité, ce n’est pas fini, je contemple une matière étrange qui se dilue plus ou moins dans l’eau, les miasmes sont assez réussis, suffisamment pour que la marée revienne et c’est reparti, je vais bientôt apercevoir des tentacules dans le vomi et entendre des voix mortes lâcher des incantations de fosse septique. Pourtant, mon programme est clair : évacuer le maximum en un minimum de temps. Etrange, cette lucidité que je conserve même dans les moments les plus infraorganiques. Je sue mes toxines à grosses gouttes, prends bien appui et me relève doucement. J’ai déjà le froc et le slibard baissés. La lucidité, encore et toujours ; je les ai défaits à peine entré dans le chiotte, il y a quelques minutes, quand j’ai senti que ça allait gicler, quand Mike, encore au salon avec Marty, m’a dit t’es blanc comme un cul. J’ai répondu exact, je ne le vois pas mais je le sens. Et j’ai foncé. A présent assis, je sens un aggloméré de merde me quitter lentement et massivement comme un maléfice brun. Je revois mes muses. En haut se jouent quelques harmonies, j’entends des pistes enregistrées par Mike. Quand il aura fini de retaper sa grange, il transférera tout son matériel et ce sera un vrai studio, de niveau professionnel. Je me torche, tire la chasse, me lave bien les mains. A la cuisine, je descends un coca cul sec ou presque, rote comme un monstre. Je ne transpire plus, c’est en train de sécher, l’équilibre est revenu. LES GARS JE MONTE ET JE VOUS ENFONCE UN THEREMIN DANS LE CUL, JE COMMENCE PAR QUI ? Je n’enfonce rien du tout en fait, car je joue aussi mal qu’eux de ce magnifique instrument. En revanche, l’escalier tournant est parfaitement négocié. J’ai laissé mes scories très bas et dans les combles nous étendons maintenant nos mains solennelles et maladroites sur le velours électrique de la nuit extra-terrestre.



jeudi 10 août 2017

The Solution, de Stupeflip: du néon aux Éons

Cela commence par l'évocation de tubes dits "à néon", pas tellement les rigides qui servent à éclairer des pièces mais les autres, utilisés pour la signalisation des publicités. Souvent de couleurs vives, tordus en forme de lettres, de cadres, ils sont longs, assez fins et n'en finissent pas d'inciter à la consommation, dans la nuit des zones urbaines.

À présent, la nuit est différente, campagnarde et déserte. Trois êtres sont présents pour rien de ce qui constitue notre existence habituelle. Personne n'est là pour les regarder. Lumineux, colorés, leurs filaments désamorcent toutes les velléités d'accaparement capitaliste. Leurs cous massifs et la vue en contre-plongée donnent une impression de puissance. Ils me font penser à ces puissantes entités de l'univers Marvel, les Celestials, mais alors que ceux-ci ont une hauteur d'à peu près 610 mètres, les trois êtres de cette vidéo tirée du dernier album de Stupeflip possèdent une taille humaine. La question de la puissance demeure, cela dit.

Il existe réellement une différence de taille entre ces êtres, et ce dans tous les sens du terme. Les Celestials sont en quelque sorte les enfants d'un premier principe appelé The First Firmament. Ce dernier engendre en fait deux groupes: les Celestials et les Aspirants. Les Aspirants cherchent uniquement à servir The First Firmament tandis que les Celestials sont considérés comme des rebelles puisque leur objectif est l'instauration d'une réalité dynamique, diverse et évolutive par le biais d'êtres cosmiques supérieurs créés par eux. Comme on peut s'y attendre, un conflit éclate entre les deux factions, conflit qui menacera purement et simplement de détruire le premier univers.

Seconde évocation: la Gnose enseigne que deux groupes rivaux s'affrontent sur fond d'Univers. Il s'agit de ces entités appelées Éons et Archons. Les premiers sont, d'un certain point de vue, des attributs du Créateur unique. Celui-ci n'a pas voulu l'apparition du Mal. La mort, la merde, l'angoisse blême de ce monde qui est le nôtre ne sont pas de son fait. Le responsable, c'est le Démiurge, créateur maladroit, imparfait, tyrannique et même destructeur. Il correspond au Jéhovah de l'Ancien Testament. Ce démiurge est assisté par les Archons, que nous prenons un peu trop vite pour des "anges" au sens faux du terme, c'est-à-dire des "gentils" (puisque le terme "ange" désigne en réalité un messager, ce qui est assez différent).

Dans le clip de Stupeflip (rime involontaire, tiens), pas question de forger, de détruire, de manipuler la Création. Quelle étrange et magnifique modestie dans la puissance de ces Éons manifestés dans la campagne nocturne, à l'écart de toutes les stratégies pédagogiques, de tous les discours de vainqueurs, à l'écart de tout mais pas de nous.

Ce sont bien eux, nos véritables alliés. C'est bien avec leur aide gratuite et aimante que nous encouragés à passer outre le régime d'illusion et d'entropie mortifère subi depuis des générations. Le Tau lumineux dans la main droite de l'Éon n'est pas un symbole nouveau, créé pour le clip, mais l'éternité a toujours été, sera toujours, est. C'est déjà-toujours l'éternité, néanmoins nous n'en avons pas conscience dans le monde sublunaire.

Mais quel curieux visage où se mélangent l'animal et l'humain. L'animal ne nous est-il pas inférieur? Il l'est mais l'humain qui ne vit que par ses instincts se retrouve encore plus bas que lui. Tout comme l'ange (l'Éon), l'animal est pur car il ne possède qu'un "logiciel". L'humain est mélangé: corps, âme, esprit. Cette complexité ne manque cependant pas d'être fascinante, y compris du point de vue des anges. Ceux d'entre eux qui acceptent cette unicité se prosternent devant l'Homme. Les autres, qui ne voient de nous que notre argile, refusent de se prosterner et, par là, provoquent leur chute. La synthèse du thériomorphisme (aspect animal) et de l'anthropomorphisme indiquent une transfiguration. Pour le dire autrement: Stupeflip et le CROU nous aident à redevenir en plénitude les Éons que nous croyons ne jamais avoir été.











Michel Sapin confirme: l'amour, c'est à Paris au mois d'août.
(malgré une petite fuite)

samedi 5 août 2017

The Psychic, de Lucio Fulci

The Psychic / Sette note in nero est un giallo de 1977 dirigé par Lucio Fulci. Le générique se compose principalement de Jennifer O'Neill, Gianni Garko, Gabriele Ferzetti, Marc Porel, Evelyn Stewart et Jenny Tamburi.

En 1959, à Douvres, une femme se suicide en se jetant d'une falaise. Au même instant, sa fille Virginia, à Florence, fait l'expérience d'une vision de sa mère. Quelque vingt ans plus tard, Virginia (Jennifer O'Neill) habite près de Rome et a épousé Francesco Ducci (Gianni Garko), un riche homme d'affaires. Ducci part en déplacement professionnel et Virginia repart seule de l'aéroport. En chemin, elle a à nouveau des visions: une femme d'un certain âge assassinée, un mur en train d'être abattu et une lettre dissimulée sous une statue.

Virginia souhaite faire rénover une demeure à l'abandon que son époux a acheté mais remarque que la bâtisse ressemble à une propriété qu'elle a vu au cours d'une transe. Elle démolit un mur dans une pièce et trouve un squelette derrière le plâtre. Croyant que le squelette est celui de la femme de sa vision, Virginia appelle la police. Les enquêteurs ne croient pas à son histoire et accusent Ducci du meurtre.

L'examen du corps révèle qu'il ne s'agit pas d'une femme âgée mais d'une jeune femme dans la vingtaine, Agneta Bignardi, tuée à peu près cinq ans plus tôt. Le squelette finit par être identifié: c'est l'ex-petite amie de Ducci, disparue il y a plusieurs années. Virginia est bien décidée à innocenter son époux. Pour ce faire, elle contacte son ami Luca Fattori (Marc Porel). Fattori est chercheur en parapsychologie. Sa propre enquête finit par le diriger vers Emilio Rospini (Gabriele Ferzetti), qui est peut-être le vrai coupable.

Francesco revient de son voyage d'affaires et Virginia le met au courant de tout ce qui vient de se passer. Il la supplie de chasser tout cela de son esprit mais elle, au contraire, devient de plus en plus obsédée par ce mystère. Elle discute de l'affaire avec Gloria (Evelyn Stewart), la sœur de Francesco, et Melli (Riccardo Parisio Perrotti), un avocat ami de Gloria. Gloria déclare que son frère est parti en voyage d'affaires aux Etats-Unis en avril 1972 et que la personne qui a changé le mobilier de la pièce, c'est elle. La pièce au cadavre emmuré avait été la chambre de Francesco. Les meubles aperçus par Virginia pendant sa vision sont ceux achetés par Gloria après le départ de Francesco.

Quelques jours plus tard, Virginia achète un magazine sur la couverture duquel se trouve une photographie de la jeune femme assassinée. Il s'agit du même magazine vu pendant la transe de Virginia. Quand Luca se rend compte que le magazine en question n'existe que depuis une année, il comprend que ce dont Virginia a fait l'expérience, c'est une prémonition et non une vision de crimes passés. Virginia et Luca découvrent d'autres éléments semblant innocenter Francesco, ce qui permet à celui-ci d'être libéré sous caution. Gloria, pendant ce temps, offre en cadeau à Virginia une montre. La montre, à chaque nouvelle heure, émet une petite musique lancinante.

En proie à des visions de plus en pus fréquentes, Virginia monte dans un taxi de couleur jaune. À l'intérieur se trouve une CB dont le voyant rouge clignote. Elle part du bureau de Luca pour se rendre chez elle, exactement comme dans sa vision. La mystérieuse femme âgée téléphone à Virginia et laisse un message sur son répondeur: elle lui propose des informations concernant l'affaire. Lorsque Virginia arrive au domicile de cette dernière, elle la trouve morte (dans la même position qu'au cours de sa vision). Rospini surgit et Virginia s'enfuit épouvantée. Après s'être emparée d'une lettre (au contenu vital) vue aussi en transe, Virginia gagne la route et pénètre dans une église en cours de travaux, non loin de là. Elle s'y cache mais Rospini la retrouve car sa montre se met à sonner l'heure. Celui-ci tente de l'atteindre sur un échafaudage de bois mais glisse et va s'écraser sur le sol de marbre, plusieurs mètres plus bas.

Si je découvre de la déco Conforama, je crie!
Virginia court jusqu'à la vieille demeure (rachetée par Francesco) qui se situe à proximité. Elle lui téléphone pour lui dire de venir tout de suite. Une fois arrivé, elle s'alarme intérieurement de le voir boiter (dans sa vision, un inconnu boite). Il lui explique s'être foulé la cheville quelques heures plus tôt. Les deux se rendent dans la pièce fatale. Francesco pose sur une table un exemplaire du magazine avec Agneta en couverture. De plus en plus nerveuse, Virginia commence à fumer une des Gitanes maïs de Gloria (un autre cadeau) et place celle-ci sur un cendrier aperçu aussi en transe.

À l'hôpital, la police s'entretient avec Rospini, gravement blessé. Rospini relate avec peine certains événements. En 1972, la femme d'un certain âge, signora Casati, reçut un acquéreur illicite pour une toile de grande valeur exposée dans une proche galerie. Francesco Ducci, Rospini et Agneta Bignardi avaient été impliqués dans le vol. Rospini tua un gardien, fait mentionné dans une lettre à Casati et écrite par Agneta. Rospini, en fait, ne cherchait pas à tuer Virginia mais seulement à récupérer la lettre. Casani était déjà morte à son arrivée, tuée par Francesco qui se foula la cheville en sautant d'une fenêtre. Francesco tua aussi Agneta cinq ans auparavant: elle voulait s'enfuir avec le tableau.

Seule avec son mari, Virginia s'effraie de plus en plus de la convergence graduelle des éléments de ses visions. Un lien crucial, dans cette chaîne, est le moment où Francesco aperçoit sur un buffet la lettre incriminante. Virginia affirme qu'elle ne l'a pas lue mais Francesco ne la croit pas. Il l'attaque soudain avec un tisonnier. Elle esquive son premier coup et le tisonnier va fracasser un miroir (également vu en transe). Le second coup l'atteint à la tête. Virginia s'effondre et saigne abondamment. Francesco se prépare à emmurer son épouse dans le trou dégagé. En définitive, tous les détails de la pièce concordent: la vision qu'a eue Virginia est celle de son propre assassinat.

Je suis super intelligent, super mignon et j'ai un super magnétophone!
Un peu plus tard, Luca détermine (grâce à la couverture du magazine) les lieu et moment véritables où Francesco aurait pu tuer Agneta Bignardi. Il fonce alors à la villa Ducci et se fait prendre en chasse par deux motards carabinieri (pour excès de vitesse). Il parvient à leur échapper pendant assez longtemps pour mûrir ses soupçons. Une fois tout le monde arrivé à la villa, Francesco leur ouvre la porte et les fait entrer dans la fameuse pièce. Il leur fait part de ses inquiétudes au sujet de la disparition de son épouse. Malgré les questions des policiers et les remarques de Luca, Francesco garde le contrôle de lui-même. Alors que Luca est sur le point de repartir, escorté par les motards, tout le monde entend les sept notes de la montre, venues du mur derrière lequel se trouve le corps de Virginia...

Le paranormal, dans ce film, est évidemment un élément central de l'intrigue, il n'est pas cautionné par certains personnages de l'intrigue (comme on peut s'y attendre) mais il n'est pas non plus objet de stupéfaction. C'est presque un phénomène normal et, en réalité, la seule attitude non éclairée vis-à-vis de l'acception du paranormal (qui n'est peut-être qu'un normal actuellement rejeté par la science officielle) est celle du couple de paysans rapidement aperçus dans la villa pas encore retapée, au début du film. Demeure néanmoins le problème de l'interprétation des visions. Il se divise en deux courants confluents: le premier est en rapport avec la flèche du temps ou disons l'expérience du temps. Pour Virginia, le temps linéaire va en réalité se boucler sur lui-même puisque ce qu'elle aperçoit n'est pas le passé mais l'avenir (premier courant) et que cet avenir est le sien (second courant). Dans la pensée traditionnelle, le temps est cyclique mais cela ne signifie pas que l'individu revit sans cesse la même chose, comme sur un disque rayé. Au moment où un cycle d'existence se conclut, le cercle se poursuit mais avec un hiatus ontologique, un décrochage permettant l'accès à un niveau immédiatement supérieur. La doctrine cyclique du temps est plus exactement l'ascension d'une spirale. Le hiatus en question, c'est ce que nous appelons la mort (qui est effectivement mort à un état antérieur et simultanément naissance à un état supérieur).

Vous reprendrez bien un Poe de thé?
La question que je me pose, c'est: Virginia est-elle vraiment morte emmurée? Ses fonctions vitales se trouvent peut-être au plus bas, avec le manque d'air et sa blessure crânienne mais bon... La fin du film ne me semble pas si évidente que ça... Mais il se peut tout bêtement que je n'aie pas envie de voir mourir ce personnage. Ce que je trouve en revanche un peu plus clair, c'est sa pulsion de mort. Réprimée, je veux bien l'admettre. Regardons bien: au début de l'histoire, la mère de Virginia se suicide (on ne dit d'ailleurs pas pour quelle raison). Une fois adulte, Virginia est identifiée à cette dernière: ressemblance physique, habillement, ressemblance des véhicules qu'elles conduisent. Notez, je vous prie, l'usage que je fais de la tournure passive: elle ne s'identifie pas à sa mère parce qu'elle n'en est pas consciente mais elle lui est identifiée (par le spectateur). L'élément qui me fait pencher pour la thèse de la pulsion de mort inconsciente, c'est ce qu'on pourrait appeler le dernier maillon de la chaîne visionnaire: le fameux tableau dérobé. Sa nature me semble importante. Il s'agit d'une icône représentant la Vierge à l'enfant Jésus. C'est le retour désiré de la mère morte, le désir de reprendre l'enfance, autrement dit le désir d'une circularité ou d'une rotondité ventrale qui ne trouvera son accomplissement que dans le "ventre" d'un mur, à l'état (peut-être) de cadavre. Très intéressante aussi est la scène où Virginia et Francesco quittent l'hôtel de police: vue en plongée, chemin en spirale mais spirale descendante. Régressive? Le guide, dans ce cas, serait le bellâtre et meurtrier époux et non un avatar de Virgile. Dans La divine comédie, la remontée ne peut se faire qu'après une descente jusqu'au point le plus bas de l'Enfer, là où s'opère le retournement, au point de jonction du ∞. Ici, donc, j'ai un doute. Par ailleurs, la blessure de Virginia rappelle les blessures reçues par sa mère au cours de sa chute mortelle. Non, finalement, je pense que la fille y passe aussi.
C'est un giallo assez soft mais un giallo quand même, hein...

Au final, je trouve que Fulci a réalisé là un solide film à suspense, sans avoir recours à des effets (trop) grandiloquents. La grandiloquence "bien mal faite", cela dit, j'apprécie beaucoup et ce cinéaste nous en a également offert, au point de figurer sur une liste de films censurés, voire interdits, établie au début des années quatre-vingt par une commission de censure britannique. Evidemment, ça me donne encore plus envie de regarder les œuvres en question...

Il est possible d'enculer le système en regardant gratuitement ce film ici.


Steuplaît, t'aurais pas des Kleenex?

Vieillir, je m'en fous: contrairement à vous, j'ai l'avantage d'avoir toujours été moche et flasque.

jeudi 3 août 2017

The Ultimate Warrior, de Robert Clouse

The Ultimate Warrior est un film de Robert Clouse, sorti en 1975. Ses principaux acteurs sont Yul Brynner, Max von Sydow, Joanna Miles, William Smith, Richard Kelton et Stephen McHattie.

Le titre français, New York ne répond plus, est un peu trompeur car, concrètement, personne n'appelle la Grosse Pomme! Tout le monde ou presque a passé l'arme à gauche à la suite d'une pandémie. Dans la ville en ruines, en cette année 2012, quelques survivants sont groupés en communautés. Deux factions s'affrontent: celle du Baron (Max von Sydow), qui est parvenue (grâce à un ancien scientifique aux pouces verts) à faire pousser des graines, des légumes sur le toit d'un immeuble. L'autre est celle de Carrot (William Smith), plus violente et peut-être "vaguement" anthropophage. La situation, de toute façon, se dégrade malgré le jardin que les virus désormais disparus ont épargné. Les attaques de Carrot se font plus fréquentes.

Le Baron engage alors un combattant énigmatique, Carson (Yul Brynner), afin de fournir un renfort. De Carson, on sait qu'il vient de Détroit et qu'il a l'intention de se rendre sur une île au large de la Caroline du Nord où, dit-il, il a de la famille. Le Baron comprend que seuls des individus choisis (par lui-même), à qui seront confiés des échantillons de graines, seront en mesure de survivre là-bas. On ne peut plus rien à New York. Melinda (Joanna Miles), la fille du Baron, partira avec son compagnon Cal (Richard Kelton) de qui elle attend un enfant. Carson les escortera mais c'est sans compter avec Carrot et même, d'un certain point de vue, avec la propre communauté du Baron.

C'est un film âpre, violent, que je n'ai pas regardé comme un divertissement. Son titre anglais, à mon sens, ne correspond pas davantage aux événements; je dirai du moins que ce qui m'a plus frappé que le personnage de Carson, c'est l'état du monde en ces temps de survie. Le film s'ouvre sur une série de plans fixes de l'agglomération new-yorkaise. On ne voit personne, que des voies de chemin de fer à l'abandon, des structures rouillées, des friches. Le bruit du vent confère en quelque sorte la touche esthétique finale à cette désolation extrême (en fait pas si fictive que ça, en comparaison du New York intra-muros reconstitué dans un studio californien). Le sous-titre, A Film of the Future, me paraît plus intéressant: on y assiste purement et simplement à l'échec de la vie communautaire, à vocation égalitariste.

Les carottes sont cuites (mais pas pour Carrot).
Commercialisé en 1975, en pleine crise pétrolière, The Ultimate Warrior signe l'échec du rêve hippie. L'être humain ne peut vivre sans une hiérarchie. Il ne s'agit pas simplement de maintenir l'ordre par le biais d'une figure d'autorité. Certes, cela semble plus facile d'obéir à un sage qui saura répartir la nourriture, l'eau, les vêtements, etc. Carrot, manifestement, règne par la violence physique, la crainte qu'il inspire (Smith est convaincant à en faire oublier son intellectualisme). Le Baron semble plus cérébral, minutieux, raffiné mais le tourment l'accompagne (il sait qu'il n'est pas le messie que les autres attendent), il n'est pas à l'abri d'une erreur de jugement. Quelque peu manipulateur, il fait aussi des choix déterminants mais au détriment de sa communauté: sa fille et son compagnon (mais ce dernier se fait tuer lors d'un affrontement) partiront avec Carson pour la Caroline du Nord. Ses choix se retourneront contre lui, contre tous les siens. Le rapport entre Carson et Carrot, dont l'affrontement est repoussé à la fin de l'histoire mais dont on devine dès le début la tension croissante, est somme toute direct et même en forme de ligne droite. Lorsque je parle ici de ligne droite, je me comprends car, en regardant le film, on comprend que cela prend une forme littérale.

Et sinon, vous faites les chemises pour homme?...
Sauver l'avenir, sauver la vie. Le gros des deux communautés, en fait, se ressemble: bouffer, ne pas crever. Baiser? Tuer pour bouffer, tuer pour passer sa colère. Le Baron semble tellement au-dessus du lot qu'on peut aussi interroger ses motivations. Témoin cette scène au cours de laquelle il demande à Carson de privilégier les graines, en cas de péril extrême. C'est-à-dire que Carson doit considérer que Melinda, que le Baron s'efforce malgré tout de faire exfiltrer de New York, devra être sacrifiée s'il le faut. Donc, à tout prix faire pousser les graines, ensemencer, redémarrer l'agriculture. À l'usage de qui, cependant? Des gens que Carson connaît sur cette île côtière, loin du cauchemar post-urbain? Qu'est-ce qui nous dit cependant qu'ils ne sont pas aussi corruptibles et affaiblis que leurs congénères de la ville fantôme? Ces questions, qui ne seront peut-être que les miennes, restent sans réponse au niveau de cette intrigue qui, à sa manière, annonce le cultissime Escape From New York. The Ultimate Warrior n'est absolument pas un nanar mais une solide série B dotée d'une réalisation efficace, sans temps morts, et d'acteurs convaincants. (Brynner fut en bons termes avec le cinéma d'anticipation: deux ans plus tôt, soit en 1973, il joua de façon très efficace un robot déréglé dans Westworld). Le futur a foiré. Le nôtre aussi, déjà peut-être. Voyons donc ce qu'en pense le rétrofuturisme des mid-seventies.

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