Je vois, sur Facebook,
des célébrités. Je vois aussi des neverbeen en prière devant
saint Algorithme, leur patron. C'est un business participatif,
d'ailleurs : aide-toi, l'algorithme t'aidera. Ainsi, le fil
d'actualités s'orne de conneries nombrilistes sans fin, du moins
tant que ce monde durera.
Je ressens les choses un
peu différemment, pour ce qui est de ma situation.
Je suis un corps céleste
en orbite autour d'un centre massif composé de gens n'ayant pas
besoin de se faire remarquer pour qu'on les suive. Comparée aux
leurs, ma masse est négligeable. C'est-à-dire que je ne suis même
pas une planète digne de ce nom mais un planétoïde. Pauvre Pluton,
rétrogradé par l'administration spatiale. Pauvres zozos de
fonctionnaires, surtout : on ne fait pas chier impunément
certaines forces. Passons.
Je ne pèse donc pas
lourd et, par ailleurs, mon orbite est très éloignée de ce centre.
Je peux les observer d'assez près grâce à certains dispositifs.
Ils représentent une certaine surnature, l'Alpha et l'Oméga du
wannabe (et du neverbeen, ce vieux wannabe). Cela dit, ma trajectoire
n'est pas circulaire mais elliptique, par conséquent, je me
rapproche parfois de ce centre, je gagne quelque peu en vitesse dans
ma traversée silencieuse et invisible. Lorsque, une fois tous les je
ne sais combien, je leur adresse plus qu'un like (c'est juste un
signal de détresse, le like, un cri lancé des profondeurs, une
flatulence, en somme), lorsque je me manifeste à eux par le biais
d'un commentaire, voire même carrément d'un message privé, là, je
suis à mon périhélie.
Pendant quelques minutes
privilégiées, un notable du Net ou d'ailleurs me voit. Il peut
aller jusqu'à me répondre ! Je suis en relation avec quelqu'un
de connu ! « Ouais, l'autre jour, j'échangeais en mp avec
Machin, tout ça... » Notez l'emploi de l'imparfait qui étire
la durée de la relation, comme s'il s'agissait là d'un événement
habituel, entre l'envie de chier et la baguette chez le boulanger du
coin.
C'est un peu différent,
en réalité. La réponse reçue est polie mais brève, signe d'un
emploi du temps chargé ne permettant pas d'offrir une béatitude
durable au planétoïde mendiant. Mon périhélie est déjà derrière
moi et, ainsi, je m'éloigne à nouveau dans les froides profondeurs
de leur oubli, ralentissant graduellement, le cœur embaumé du
regard qu'ils m'accordèrent. Je ne vous donnerai pas de noms. Avec
un peu de chance, je repasserai près d'eux dans dix fois dix
siècles, à moins que je quitte les réseaux sociaux pour devenir un
astre errant.
Like d'un Neverbeen
RépondreSupprimerMerziii.
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