Ce roman a paru
en français en 1987 sous le titre La cave aux atrocités, au Fleuve
Noir (collection Gore ; j'ignore qui en fut le traducteur) puis
en 2009 sous le titre La Cave, chez Milady, dans une traduction
réalisée par Lorène Lenoir.
Lorsqu'elle
apprend la remise en liberté de son ancien époux Roy, Donna et sa
petite fille Sandy plient bagage, prennent la voiture et tracent en
direction du nord. Autrefois, Roy a violé Sandy. Passée la baie de
San Francisco, la jeune femme et son enfant, suite à un accident de
radiateur, sont contraintes de faire halte dans la petite ville
côtière de Malcasa Point. Là, elles font la connaissance de Jud et
de Larry. Jud (son prénom complet est Judgment) est un mercenaire
chargé par Larry de tuer la créature qui rôde dans Beast House,
une macabre attraction locale, créature à laquelle Larry a été
confronté lorsqu'il était enfant et dont le traumatisme résultant
ne s'est pas effacé en dépit de l'âge mûr. Pendant ce temps, Roy
a retrouvé la piste de son ex-épouse et de sa fille. Tous ces
éléments, apparemment hétéroclites, vont se retrouver et réagir
les uns aux autres dans ce qui est le premier roman du Chicagolais
Richard Laymon, né en 1947 et passé de l'Autre Côté en 2001.
Peut-être en
dehors des clous de la critique, je vois The Cellar comme
une métaphore de la désintégration du rêve hippie. Ce roman, paru
en 1980, a pour personnage un homme ayant violé sa fille alors que
celle-ci avait six ans. Dans l'histoire, elle en a douze donc elle
est née en 1968, année où le Flower Power est sur le point de
prendre des teintes obscures. 1974 correspond par conséquent à
l'année de ce viol incestueux. Il se trouve que, cette même année,
Roman Polanski sort un de ses meilleurs films, Chinatown, autre
tragédie californienne sur fond d'inceste. C'est en 1969, toujours
en Californie, que se déroulent les affaires Tate-La Bianca (Charles
Manson) et Altamont (Hell's Angels). Autrement dit, il y a quelque
chose de pourri dans le Golden State. There's something
rotten in the Golden State. Dans The Cellar,
l'espace se réduit comme une peau de chagrin: nous passons de la
baie de San Francisco à la petite ville de Malcasa Point, puis, de
là, à un terrain marqué par une longue histoire de mort et de
démence; sur ce terrain, nous aboutissons à son point le plus
inférieur et de contraction maximale: la cave (cellar, donc,
en anglais).
Dans le
symbolisme traditionnel, l'Occident voit le soleil se coucher. Il
s'agit donc de la terre des morts, le lieu où la nuit l'emporte sur
le jour. Il faut peut-être alors voir une inversion ironique dans le
fait que la Californie, point extrême de l'Occident, ait été
surnommée The Golden State, alors qu'elle serait la cave de notre
civilisation désormais prête à se faire empailler. (Je dis
"désormais" car l'Occident, dans son principe, n'est ni
pire ni meilleur que l'Orient. Il est mais, toujours dans la
pensée traditionnelle, il subit la dégradation cyclique l'éloignant
toujours un peu plus du Principe qui le fonde.) La Californie,
sur cette planète, est une des zones où la confusion du psychique
et du spirituel est à son maximum. Cela ne date pas des années
soixante et du Flower Power dont les ténèbres, donc, se sont
brutalement manifestées en 1969. C'est à se demander si, en vertu
de ce qu'on appelle la géographie sacrée, il n'en a pas toujours
été ainsi. C'est à se demander même si des profondeurs des
failles sismiques sillonnant la région ne s'exhalent pas des miasmes
particuliers qu'aucun sismographe ne peut détecter. Curieusement, ce
qui se trouve sous terre revêt un rôle très important de The
Cellar. Dans l'intrigue, l'horreur se manifeste dès le début du
vingtième siècle. (Je pense aussi à un autre texte californien,
paru en 1937, très différent de The Cellar et auquel je
consacrerai peut-être une note de lecture.)
J'ai dit plus
haut que j'étais peut-être en dehors des clous de la critique. Dans
son essai Anatomie de l'horreur (titre original : Danse
Macabre), Stephen King considère que The Cellar n'est pas
un bon roman, non à cause des thèmes abordés mais à cause de ses
qualités littéraires insuffisantes. (King, ailleurs, voit en Laymon
un écrivain original.) La bestialité du roman n'est pas franchement
expliquée par l'auteur. Elle n'est même pas franchement
complètement décrite. S'agit-il d'une faiblesse d'écriture ?
Il est vrai que l'enchaînement des péripéties a quelque chose de
mécanique et semble dénué de tout didactisme moral.
Certaines possibilités dramatiques, certains rebondissements,
paraissent ne pas avoir été retenus alors qu'ils tendaient la main
à Laymon, en quelque sorte. Mais cette impression d'inachèvement
m'offre la vision d'un monde sans direction supérieure, livré à
lui-même, à ses monstres. Un des mâles alpha de l'intrigue, Jud,
fait figure de héros invincible. Néanmoins, son obstination du
« jugement » le positionne dans un radicalisme à la
limite du tératologique.
Trois suites
ont été données à ce roman. Je ne sais si, lors de sa parution en
1980, Laymon avait prévu la rédaction d'un cycle. La première
suite a vu le jour en 1986. Entre temps, Laymon a écrit d'autres
livres, pas tous dans le genre horreur. J'envisage de lire un de ces
quatre le deuxième volet consacré à la Bête mais je souhaiterais
« m'approprier » l'œuvre de cet auteur, plus célèbre
en Europe qu'aux États-Unis, dans son ordre chronologique.
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