De Justin Hunter, je ne peux pas vous dire grand chose. Je pense qu'il est américain. Il écrit, plutôt dans les genres fantastique, splatterpunk, science fiction, peut-être aussi dans l'heroic fantasy. Le splatterpunk, c'est, en gros, du trash, du gore, donc pas nécessairement du fantastique. Takaashigani, d'ailleurs, est d'ailleurs, à strictement parler, un roman de science fiction, paru en 2015. J'ai même un peu galéré pour trouver une reproduction de la couverture qui fût de taille à peu près acceptable...
Duke vient du Nevada et, mandaté par l'Etat fédéral, doit se rendre sur la côte californienne pour y récupérer et remorquer un bateau. L'homme avec qui il doit prendre contact est un biologiste marin parti explorer la migration des crabes-araignées géants du Japon. Le nom japonais de cet animal (Macrocheira kæmpferi) est takaashigani. Non, il ne s'agit pas d'une émission de Thalassa... Ces crabes n'avaient jamais été vus dans la région. Duke va se retrouver dans une ville porteuse d'un lourd secret génétique les concernant.
Vous l'avez sans doute compris, il s'agit d'un roman dans lequel la nature prend sa revanche sur l'Homme. Revanche sur ses petits et grands trafics. Les êtres humains se font mutuellement des saloperies et les crabes, en définitive, sont des innocents. Il y en a beaucoup, beaucoup beaucoup beaucoup, certains sont gros, très très très gros. Ils bouffent des humains mais attention: ce sont des gourmets. Hunter détaille merveilleusement la délicatesse avec laquelle sont dégustées les entrailles humaines. Parce qu'évidemment, il y a un moment où tout part en latte. La côte devient le théâtre d'une gigantesque invasion. Avant cette phase du récit, cependant, on assiste à quelques sympathiques dépeçages. Ce que j'aime en particulier, c'est lorsque ça tombe sur des étudiants cons, dissimulateurs (je n'ai pas dit "des cons d'étudiants"), de jeunes garces locales. C'est une surenchère dans la dégueulasserie, d'abord humaine, puis animale mais, encore une fois, l'animal est un instrument inconscient du karma.
Ce karma, individuel et collectif, est tellement mauvais qu'en fait, ça zigouille de partout, dans des proportions grand-guignolesques assez rigolotes. L'originalité de Hunter est d'offrir différentes manières de faire s'affronter deux grégarismes, celui des humains et celui des arthropodes, dans des lieux et circonstances variés. La collectivité takaashigani, au final, est pure. Celle de Sapiens est pourrie jusqu'à la moelle (les crabes s'en délectent pourtant, de cette moelle). "En vrai", les crabes-araignées japonais sont des animaux paisibles. Le roman de Hunter est donc écologique dans un sens élevé (pas celui de quelqu'un comme Jean-Vincent Placé, qui n'en a strictement rien à foutre). Il indique le point d'un cycle civilisationnel où l'écart est désormais maximal entre un Eden principiel, marqué entre autres par la concorde de toutes ses formes de vie, et la lieutenance de ce monde, définitivement bafouée (du moins pour l'âge de fer actuel), que l'Homme s'est vu confier à l'origine. Pour le dire autrement: on peut penser que la lecture d'un roman splatterpunk n'est qu'un défouloir pour citoyens frustrés, pendant leur trajet dans les transports en commun. Ça l'est peut-être dans certains cas mais il y aura toujours plus à voir pour les affamés subtils qui survivent tant bien que mal dans la désolation sublunaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire