mercredi 28 juin 2017

The Fantastic Four #5

  Voici donc la toute première apparition du Doctor Doom (Docteur Fatalis en français), un des grands enculés tragiques de chez Marvel. Pourquoi en veut-il tant aux Quatre Fantastiques, s'il ne les a jamais croisés auparavant ? En fait, il connaît déjà Ben Grimm (The Thing) et surtout Reed Richards (Mister Fantastic) depuis que les trois étudiaient la physique et la chimie dans la même université. Victor Von Doom y rate un jour une expérience dans une grosse explosion, et se ruine la gueule. Grimm, dans son esprit, ne compte pas : c'est un gros con. Mais l'objet de sa haine, c'est Richards. Von Doom s'exilera, lui qui venait déjà de Latvérie, petit royaume d'Europe centrale. Prince gitan, il ne peut sauver sa mère accusée de sorcellerie. Sur le sol américain, il foire ses études, dévoré par un mélange complexe de rancoeur, de désir de justice, de jalousie. Attiré par l'occulte (outre son intérêt pour la science), il reçoit une initiation ultra-secrète dans un monastère tibétain : il devient le nouvel homme au masque de fer. Habile cybernéticien, sorcier accompli, son look technomédiéval inspirera George Lucas dans l'autre saga que l'on sait. Doctor Doom prend le pouvoir dans son royaume et vise désormais la conquête du monde et la destruction de Reed Richards.

  With a turn of this dial, I shall destroy the four of you, forever !!

  Ah oui, on voit bien que c'est pour couper l'air. C'est écrit dessus. Dial, c'est aussi un cadran d'horloge, c'est un verbe qu'on utilise pour dire qu'on forme un numéro de téléphone ; ça vient du latin dies, qui signifie jour (comme dans diurne).

  Richards, lui aussi, a foiré en beauté une de ses expériences. Il embarque sa fiancée, le frère de celle-ci, et un ami, dans une fusée de sa construction mais une fois dans l'espace, ils morflent une bonne grosse dose de rayons cosmiques, ce qui n'était pas prévu. L'engin redescend, se crashe et voici que les quatre compères ont, sous l'influence de ce bombardement particulaire, développé des aptitudes très étranges : Reed s'étire comme du caoutchouc, Sue devient invisible, Johnny se transforme en torche humaine (sans même que ça chatouille) ; quant à ben, le voici, à son grand dam, transformé en tas de briques. On a pas mal spéculé là-dessus : on a dit entre autres que c'était une symphonie élémentale (Reed Richards pour l'eau, Sue pour l'air, etc). Pourquoi pas. D'ailleurs, sur la couverture, Reed dit fort à propos que sa force le quitte, my strength is ebbing, ce qui intéressant car on utilise le même terme, ebb, pour évoquer le flux et reflux des marées (ebb and flow). Ben Grimm, pour sa part, est aussi une variation sur la thématique du golem (c'est, en plus, un personnage de confession juive).

  Sur la couverture de ce cinquième numéro, Richards semble oublier que Doom s'exprime à distance, sur un écran. Le fait de vouloir l'atteindre (I've got to reach him) ne va pas servir à grand chose. Doom vide la pièce de son oxygène. Il faudrait que je relise cette histoire, mais disons que j'imagine très bien ce salaud en train de tourner lentement le bouton, pas trop vite ; il faut bien jouir sadiquement de chaque seconde. Comme je le comprends.

  Richards est la tronche de service, c'est lui qui bavasse le plus, même dans une situation périlleuse. Grimm est plus concis : son I gotta est synonyme de I've got to (il faut que). On saura par la suite qu'il dispose d'une capacité pulmonaire supérieure à la moyenne, donc il pourrait retenir son souffle plus longtemps que ses comparses. Sa force physique lui permettrait également de défoncer sans problème la paroi blindée qui les sépare de Sue. Mais bon...

  On a souvent dit, écrit, que les comicbooks étaient, en gros, de la couille en barre pour adolescents boutonneux, geeks irrécupérables. C'est peut-être vrai, et si c'est le cas, tant mieux. Il n'est pas question que je vous ressemble (cela dit, je n'ai jamais eu de problème de boutons). En revanche, moins nombreux sont ceux qui ont relevé que dès les années cinquante (les Fantastic Four sont apparus au début des années soixante), les équipes créatives avaient tenté de contrer cet argument (qui n'en était pas vraiment un mais qui pesait d'un poids certain dans l'Amérique puritaine) en saupoudrant les histoires de connaissances jugées instructives pour la jeunesse. Il s'agissait de rassurer les parents. C'est peut-être pour cela que Johnny, The Human Torch, dit ce qu'il dit : le môme qui lit cette aventure contre ce salaud de Doom aura du moins appris que l'oxygène est un facteur de combustion. Les douze cents payés à l'époque n'auront pas été dépensés en vain. Cela étant, ce n'était pas la peine de s'envoler pour aller se beugner dans un écran, hein, Johnny boy...

  Et puis ma préférée, la potiche de service, j'ai nommé The Invisible Girl, Susan Storm (à l'époque, elle n'a pas encore épousé mister Richards), curieusement rebaptisée Janet dans la traduction française. Être une femme libérée, tu sais, c'est pas si facile, mais alors jouer les invisibles... On s'est longtemps demandé à quoi elle servait, dans cette série, en dépit de tous les efforts déployés par les scénaristes (Stan Lee le premier, lui qui est co-créateur de la série avec feu Jack Kirby) pour la maintenir au même rang que ses coéquipiers. Ici, sur cette couverture, c'est l'incarnation de l'impuissance, de l'inutilité. Attention, je ne parle pas des planches de la série, c'est-à-dire de l'histoire elle-même, mais bien de la seule couverture. I must get in to save them ! Ben oui, tu veux entrer pour les sauver, mais tu vas faire comment, avec les mains liées ? Et puis tu vas faire quoi, au juste ? Gourdasse ! Et quel intérêt d'être invisible quand les liens qui vous enserrent les mains ne le sont pas et vous font donc repérer malgré tout ? Afin d'accroître la valeur dramatique du personnage, il sera imaginé par la suite qu'elle peut également projeter des champs de force invisibles (ça peut s'avérer intéressant pour contenir des flatulences).

   J'ai une théorie : je pense que Doom a envie de se faire Susan Storm. Ben Grimm aussi, d'ailleurs. Et puis Submariner (Namor, le prince des mers). Elle-même, bien qu'amoureuse de Reed (elle l'épousera tout de même et aura un enfant de lui), n'est pas insensible au souverain des profondeurs. Mais Doom ? Ah Dieu, non, quelle horreur. Avec son masque, son armure, ses doigts métalliques...

  Voire.

  J'ai trop lu d'histoires de persécuteurs sadiques de jeunes filles éplorées soi-disant plutôt prêtes à se suicider que coucher pour qu'on me fasse croire certaines choses. J'attends donc à présent vos fan fictions sur le thème du bondage Victor Von Doom/Susan Storm-Richards.

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