mercredi 19 juillet 2017

Amazing Adventures #1, juin 1961

La première partie de ce commentaire se trouve ici.

Désormais sous la forme humaine de John Carter, Torr (aucun rapport avec Michèle) pose un bracelet électromagnétique au poignet de Ramsay. Si celui-ci tente quoi que ce soit, un signal sera automatiquement transmis au monde d'où vient Torr. Dans ce cas, ce n'est pas un mais dix mille envahisseurs de même calibre que la Terre devra se farcir! Traditionnellement, le nombre dix mille représente la multiplicité indéfinie, une sorte de nivellement par le nombre.

Torr s'émerveille, en quelque sorte, de la "primitivité" de la civilisation terrienne, alors que lui et son prisonnier déambulent sur les boulevards d'une grande ville américaine. L'envahisseur, dans une séquence de rêverie (assez typique des procédés narratifs chez Marvel Comics, à cette époque), détaille pour la gouverne de Ramsay la manière dont il compte s'y prendre pour asservir notre planète. Grâce à des "capsules d'hypno-illusion" relâchant un gaz dont les effets sur notre système nerveux nous feront percevoir notre environnement comme un cauchemar tantôt surréaliste, tantôt digne d'une toile de Bosch! Au bout du compte, la servitude serait préférable à la terreur... Ramsay déclare que Torr est fou, peut-être, mais à sa façon, et que les valeurs de sa planète d'origine sont peut-être différentes des nôtres. Cette note de relativisme est intéressante car elle constitue un léger bémol dans la posture clairement anticommuniste du récit. C'est un moment de l'histoire où le lecteur peut retourner dans l'interprétation au premier degré: il n'y a pas d'agent infiltré dans la société américaine mais un extra-terrestre hostile. 1961 se situe dans une période pendant laquelle l'Homme, de préférence américain, doit conquérir la Lune, comme l'a souhaité le président Kennedy, et, au-delà, résoudre l'énigme du cosmos, de sa vie possible et, concrètement, de ses soucoupes volantes qui semblent vouloir de plus en plus jouer à cache-cache.

L'objectif de Torr, après le régime de la terreur par l'illusion, est de s'emparer de la Terre entière, ville par ville (ici, il nous est demandé de suspendre notre incrédulité). Nos ressources naturelles, énergétiques, notre main-d'œuvre, tout doit être utilisé pour la planète-mère de l'envahisseur. Le pion ne rechignera pas à servir la multitude d'où il est issu. Toujours dans une phase de rêve éveillé, nous apercevons de loin (et en combinaisons) des congénères de Torr qui, curieusement, semblent moins cruels que lui lorsque, tous calculs faits, ils s'aperçoivent que des surplus de denrées alimentaires peuvent retourner chez les Terriens. Torr, cet enculé, s'y oppose! À ras d'intrigue, on peut se demander comment fonctionne sa société. C'est un guerrier. Mais ses compatriotes le sont-ils également? On ne le sait pas mais, justement, au niveau qui est le nôtre, la caste guerrière, dans la pensée traditionnelle, assume le pouvoir temporel mais au-dessus d'elle se situe l'autorité spirituelle représentée par la caste sacerdotale. C'est à se demander si Torr ne manifeste pas une rébellion contre l'ordre des choses. (Cela s'est vu, chez nous...)

À cet instant, le récit du flashback reprend. Ramsay, avisant un policier, s'empare de l'arme de celui-ci et abat Torr, parfaitement conscient qu'il vient de détruire l'enveloppe corporelle de Carter et que personne ne croira jamais à son histoire d'envahisseur extra-terrestre. Ce qui nous ramène au début de l'histoire, où Ramsay est jugé pour meurtre et accepte plus ou moins stoïquement sa condamnation (n'oublions pas qu'il porte toujours le fameux bracelet électromagnétique le forçant à se taire sur les tenants et aboutissements du problème). Mais un développement imprévu se produit: à la morgue, le corps de Carter reprend vie! Torr est-il donc indestructible? La Terre va-t-elle vraiment devenir le "satellite" (politique) de ce trou de balle?

Non! Coup de théâtre au tribunal: Carter déboule dans la salle d'audience au moment où le jury va se prononcer mais c'est bien Carter. En lui tirant dessus, Ramsay a en fait tué la "personnalité" de Torr et l'échange s'est reproduit en sens inverse. La "personnalité" de Carter a réintégré son enveloppe légitime qui a donc repris vie, tandis que Torr s'est éteint dans son corps, à l'intérieur de la grotte. C'est plutôt chouette pour Ramsay, immédiatement innocenté par Carter.

Du coup, la "volonté", ou "emprise mentale" (will) de Torr disparaît et le bracelet autour du poignet de Ramsay tombe en poussière. Probablement un effet de l'électromagnétisme dont je n'avais pas pris conscience! Donc, tout finit bien mais je me pose la question suivante: que devient le vaisseau de Torr? Il tombe en poussière, lui aussi? Pas de réponse... Je réfléchis également à certains propos tenus par Stephen Hawking: en substance, ce n'est pas forcément une bonne idée de vouloir à toute force établir un contact avec une intelligence extra-terrestre. Je sais bien que certains vont me répondre: "Ah oui, parce que pour commencer, les gens ne savent pas vivre en paix les uns avec les autres." Oui, d'accord, mais la raison est peut-être encore plus simple et brutale: on ne sait pas qui vit dans cet univers, hormis nous. Des cultures peuvent nous être totalement incompréhensibles, des rapports d'échelle physique peuvent nous être défavorables (Torr est un géant), des armes dont nous ignorons les sources d'énergie peuvent nous réduire en esclavage, ou en rien du tout, de manière très rapide. D'autres formes de vie, qui sait, ne sont peut-être pas exemptes de cupidités. Beaucoup d'hypothèses sont formulables et ça, ce n'est pas une rêverie stérile. "Quand tu regardes l'abîme, l'abîme te regarde", comme l'a dit ce bon vieux Friedrich, alors prudence, prudence, avec les sondes, leurs messages, les radiotélescopes. Je veux dire: dans l'optique officielle. Officieusement, cela fait déjà très, très longtemps que nous nous sommes fait repérer par "les autres". Par conséquent, la "machine à propagande" que Torr comptait installer partout sur Terre existe peut-être, concrètement. Personnellement, je ne m'occupe plus des médias officiels, qu'ils soient publics ou privés... En revanche, je préfère vous recommander la lecture, à mon avis intéressante au plus au point, d'un ouvrage écrit par Simon (Matgioi) et Théophane paru en 1907, Les enseignements secrets de la Gnose. Il y est entre autres question du foisonnement universel de la vie...

L'intégralité d'Amazing Adventures #1 est disponible au format numérique ici.


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