mercredi 12 juillet 2017

Planétoïde

Je vois, sur Facebook, des célébrités. Je vois aussi des neverbeen en prière devant saint Algorithme, leur patron. C'est un business participatif, d'ailleurs : aide-toi, l'algorithme t'aidera. Ainsi, le fil d'actualités s'orne de conneries nombrilistes sans fin, du moins tant que ce monde durera.

Je ressens les choses un peu différemment, pour ce qui est de ma situation.

Je suis un corps céleste en orbite autour d'un centre massif composé de gens n'ayant pas besoin de se faire remarquer pour qu'on les suive. Comparée aux leurs, ma masse est négligeable. C'est-à-dire que je ne suis même pas une planète digne de ce nom mais un planétoïde. Pauvre Pluton, rétrogradé par l'administration spatiale. Pauvres zozos de fonctionnaires, surtout : on ne fait pas chier impunément certaines forces. Passons.

Je ne pèse donc pas lourd et, par ailleurs, mon orbite est très éloignée de ce centre. Je peux les observer d'assez près grâce à certains dispositifs. Ils représentent une certaine surnature, l'Alpha et l'Oméga du wannabe (et du neverbeen, ce vieux wannabe). Cela dit, ma trajectoire n'est pas circulaire mais elliptique, par conséquent, je me rapproche parfois de ce centre, je gagne quelque peu en vitesse dans ma traversée silencieuse et invisible. Lorsque, une fois tous les je ne sais combien, je leur adresse plus qu'un like (c'est juste un signal de détresse, le like, un cri lancé des profondeurs, une flatulence, en somme), lorsque je me manifeste à eux par le biais d'un commentaire, voire même carrément d'un message privé, là, je suis à mon périhélie.

Pendant quelques minutes privilégiées, un notable du Net ou d'ailleurs me voit. Il peut aller jusqu'à me répondre ! Je suis en relation avec quelqu'un de connu ! « Ouais, l'autre jour, j'échangeais en mp avec Machin, tout ça... » Notez l'emploi de l'imparfait qui étire la durée de la relation, comme s'il s'agissait là d'un événement habituel, entre l'envie de chier et la baguette chez le boulanger du coin.

C'est un peu différent, en réalité. La réponse reçue est polie mais brève, signe d'un emploi du temps chargé ne permettant pas d'offrir une béatitude durable au planétoïde mendiant. Mon périhélie est déjà derrière moi et, ainsi, je m'éloigne à nouveau dans les froides profondeurs de leur oubli, ralentissant graduellement, le cœur embaumé du regard qu'ils m'accordèrent. Je ne vous donnerai pas de noms. Avec un peu de chance, je repasserai près d'eux dans dix fois dix siècles, à moins que je quitte les réseaux sociaux pour devenir un astre errant.

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