vendredi 7 juillet 2017

Pogo Over The Nam (And Other Places)

Je la regarde discrètement, elle est pâle comme un cul dans ce bus pas bondé mais bien rempli tout de même. Une copine l'accompagne; toutes deux, d'après ce que je saisis de leur conversation, se rendent au même examen, à la fac. La première passe en boucle les détails hystériques de son angoisse, l'autre fait de même avec les réponses d'usage. La deuxième semble plus tranquille. Le bus poursuit son trajet, le campus n'est plus très loin. Soudain, la première se met à genoux et gerbe son breakfast. Quelques personnes s'écartent du mieux qu'elles peuvent. La copine prend un air navré, sincère ou non. L'autre continue d'envoyer la sauce sur le plancher du bus. Je m'approche et lui crie "Bravo, mademoiselle! Félicitations! Quelle magnifique salve, j'applaudis! (j'applaudis réellement) Enfin, vous voici libérée! Remarquable initiative que vous avez prise là! Plus de stress négatif! Vous allez voir, vous allez claquer une super note, à ce partiel!" Les deux me regardent, interloquées. Les autres passagers me dévisagent avec soupçon, leurs nez retroussés dans l'odeur de vomi. Royal, je descends du véhicule, à l'arrêt que j'avais prévu.

Le punk est assis sur le trottoir, contre le mur d'un immeuble. Tout autour, sur la petite place, ça pogote à mort, ça bastonne. Le son t'encule les oreilles à l'occasion de cette énième édition de la Fête Crypto-Païenne Solsticiale de la Musique. Pour une fois, il ne pleut pas. L'autre, par terre, incline sa crête d'Iroquois en brosse à chiotte véritable, dodeline mollement du bulbe. Je pense que respecter le tempo ne le préoccupe pas des masses; il est juste dans le trip, le sien en particulier. C'est un punk en uniforme de punk, pour autant que je sache. C'est que beaucoup de corps passent devant moi, l'ambiance est assez confuse et les détails ne s'impriment pas de manière flagrante et immédiate dans mon cortex vespéral. Sur la scène, des types gueulent qu'ils sont du Mouvement Anarchiste de Flixecourt, ou quelque chose comme ça. Le frontman, sapé ska, précise que leur collectif est éphémère, ET QUE C'EST BIEN!!! Ha ha ha. Flixecourt. Flics secours contre l'anarchie des campagnes, j'imagine la vie dans cette commune rurale que je soupçonne être un aimable trou de balle. Puis je pars violemment sur la droite, reprends l'équilibre, me retourne et colle un direct au menton du subit pogoteur, qui semblait n'attendre que ça. Il part vivre sa vie en marche arrière. Sur son bout de trottoir à étrons, le petit punk vomit lentement. Un coulis de gerbe tombe, presque avec mélancolie, entre ses chaussures. Le gars ne bouge pas, regarde attentivement sa quiche en continuant de branler doucement du chef. Je me dis que j'apprendrais bien le tango argentin de bal, histoire de varier un peu les plaisirs.

Je reviens du Vietnam. Je suis un soldat de la Division Fantôme, sauf que ce jour-là je suis habillé en civil, costume noir, cravate noire, chaussures noires, chaussettes noires, slip noir, chemise blanche. Je débarque dans ce vernissage, sur fond de pop psychédélique, tendance 1967 dirais-je, comme ça. Des mains font clap clap en m'apercevant, les mains me voient, de plus en plus de mains, les yeux me boivent. Je n'en demandais pas tant. Des filles dansent. Le maître des lieux prend un micro, me présente (comme s'il y avait besoin) sur fond de guitares saturées, oui, Paulo, notre Paulo il est là, le colonel Paul "Schmock" Sunderland, il revient du sud-est asiatique, il a mis sur la gueule aux cocos locaux, à Charlie, et il va nous lire un de ses textes! Avant que je puisse commencer, une naine trotskiste surgit d'on ne sait trop où, elle se met à geindre "ah là lààà ah mais non hein c'est scandaleux, ce que vous faites, là-bas au Vietnam ils sont cinquante élèves par classe et les profs se plaignent pas, hein." Personne ne comprend quoi que ce soit à ses propos, je me retourne, l'air interrogateur, vers monsieur Loyal. Non, elle ne fait pas partie de la programmation. Je m'approche de la bonne femme, une espèce de pomme golden ratatinée, sapée Cosmos 1999. Sans rien dire, j'ouvre la bouche et lui gerbe à la gueule une rafale d'agent orange. Qu'on le sache, je n'aime pas la violence, y compris au Vietnam. Mais j'aime encore moins le communisme. La tête de la vieille fume, se creuse, se transforme en trou. Il ne semblait pas y avoir grand chose à l'intérieur car en une minute trente, c'est réglé. Du personnel de maison évacue les restes et je peux enfin attaquer, sous les applaudissements, la lecture de Pour une rentrée littéraire épanouissante.

Je me réveille au petit matin avec une haleine de trappeur kalmouk et une érection significative. J'ai encore rêvé du Vietnam et de ses conséquences. D'habitude, je bois deux grands verres d'eau du robinet, à jeun, me fais à manger et dans la demi-heure qui suit je règle l'Opération Goudronneuse. Aujourd'hui, même pas: je vais direct aux gogues et lâche un impressionnant paquet. C'est à force de vivre des expériences pénibles, je pense. Mais les brocolis de la veille ont peut-être aidé, concrètement. Il faut consommer des fibres. Et puis se poser sur le clic-clac moisi, à moitié défoncé. C'est ce que je fais (je mange quand même un peu). Je me décrasserai tout à l'heure (mais je ne me raserai pas encore, ça me donnera une gueule étrange dans les trans-porcs en commun, limite gros pervers, et ça m'amuse, moi dont le casier judiciaire est vierge). Pour l'instant, je préfère me concentrer sur quelques photos de cul, histoire de me stimuler l'intellect. Puis je ferme toutes ces pages et ouvre un nouveau document texte. Je me connecte également sur une radio spécialisée dans mes chères vieilleries soul-pop-rock (fifties à seventies), puis me mets à rédiger la fiche de lecture d'un livre lu récemment. Des rots de baryton m'échappent à intervalles réguliers. C'est bon signe.



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