samedi 8 juillet 2017

Yours Is No Disgrace, de Yes




Yesterday a morning came, a smile upon your face.
Caesar's palace, morning glory, silly, silly human race,
On a sailing ship to nowhere, leaving any place,
If the summer change to winter, yours is no disgrace.

Battleships confide in me and tell me where you are,
Shining, flying, purple wolfhound, show me where you are,
Lost in summer morning, winter, travel very far,
Lost in losing circumstances, that's just where you are.

Yesterday a morning came, a smile upon your face.
Caesar's palace, morning glory, silly human race,
On a sailing ship to nowhere, leaving any place,
If the summer change to winter, yours is no,
Yours is no disgrace.
Yours is no disgrace.
Yours is no disgrace.

Death defying, mutilated armies gather near,
Crawling out of dirty holes, their morals, their morals disappear.

Yesterday a morning came, a smile upon your face.
Caesar's palace, morning glory, silly human, silly human race,
On a sailing ship to nowhere, leaving any place,
If the summer change to winter, yours is no,
Yours is no disgrace.
Yours is no disgrace.
Yours is no disgrace.

Battleships confide in me and tell me where you are
Shining, flying, purple wolfhound, show me where you are
Lost in summer morning, winter, travel very far
Lost in musing circumstances, that's just where you are.


Hier un matin est venu, un sourire sur ton visage.
Palais de César, belle-de-jour, bête, bête race humaine,
Sur un navire toutes voiles pour nulle part, laissant tout,
Si l'été se fait hiver, ta disgrâce n'en est pas une.

Des navires de guerre me confient ta position,
Splendide, aérien, violet chien de chasse, montre-moi ta position,
Égaré en été, au matin, l'hiver, voyages au loin,
Égaré dans des questions, c'est là ta position.

Hier un matin est venu, un sourire sur ton visage.
Palais de César, belle-de-jour, bête race humaine,
Sur un navire toutes voiles pour nulle part, laissant tout,
Si l'été se fait hiver, ta disgrâce,
Ta disgrâce n'en est pas une.
Ta disgrâce n'en est pas une.
Ta disgrâce n'en est pas une.

Défiant la Mort, des armées mutilées se massent non loin,
Glissant de trous de boue, leur morale, leur morale s'évanouit.

Hier un matin est venu, un sourire sur ton visage.
Palais de César, belle-de-jour, bête race humaine,
Sur un navire toutes voiles pour nulle part, laissant tout,
Si l'été se fait hiver, ta disgrâce,
Ta disgrâce n'en est pas une.
Ta disgrâce n'en est pas une.
Ta disgrâce n'en est pas une.

Des navires de guerre me confient ta position,
Splendide, aérien, violet chien de chasse, montre-moi ta position
Égaré en été, au matin, l'hiver, voyages au loin,

Égaré dans des questions, c'est là ta position.  


Il n'est pas question ici, dans ce titre de 1971 (composé par tous les membres de Yes), de se prononcer pour ou contre la guerre du Vietnam mais d'alléger le fardeau de la conscience douloureuse chez le soldat. Pas un soldat en particulier mais tous les soldats concernés au cas par cas, s'il on ose dire. Tous n'ont pas brûlé en place publique leurs ordres de ralliement. Tous n'ont pas été insoumis à la conscription obligatoire.

Il y eut donc d'abord la confiance en l'Etat et son discours, le matin radieux de la fleur au fusil. « Morning glory » est littéralement cette gloire du matin mais le terme désigne aussi une fleur (genres Convolvulus et Ipomoea) dont la teinte est proche de la médaille militaire Purple Heart, retrouvée un peu plus bas sur le pelage du « chien de chasse ».

La belle et la bête. La belle est bête. Qui prononce ces paroles ? Nous verrons bien. Ce qu'on peut dire, c'est que cette présence est à la fois critique et magnanime.

Dans la pensée traditionnelle, l'exercice de la guerre est l'apanage de la seconde caste constituée par les kshatriyas (dans la terminologie hindouiste). Qui n'est pas un kshatriya n'a pas son mot à dire à ce sujet, sauf la première caste, celle des prêtres (brahmanes). La guerre est donc empreinte de spiritualité ; elle se joue dans les règles de l'art, règles rigoureuses. César est bien un kshatriya mais aucune caution spirituelle n'intervient. Il en découle que le conflit sort de son cadre traditionnel. Elle outrepasse les frontières de l'échiquier sur lequel elle devrait se cantonner et impose l'engagement de non-professionnels.

Un navire toutes voiles pour nulle part, laissant tout. « Nowhere » et « any place », autrement dit « Nowhere » (hors échiquier, hors tradition, hors-la-loi) et « anywhere » (les recrues, sommées d'aller à la guerre, affluent de partout au sens de « n'importe où »). La belle envolée héroïque à laquelle on avait d'abord cru se transforme en cauchemar, l'été devient hiver, la guerre est une boucherie. Les conscrits y participent mais la Présence délaisse la critique et manifeste sa clémence : « Ta disgrâce n'en est pas une. » Tu perds peut-être sur le terrain militaire, tu as peut-être honte de ce qu'on t'a demandé de faire ou de ce que tu as fait pour ne pas mourir mais tu n'as rien à te reprocher.

La conscription obligatoire, décrétée en France à l'occasion de la Première guerre mondiale, est une mise à mort égalitariste opérée pour le bénéfice de quelques-uns. Elle est l'engeance du républicanisme et du nationalisme. Il n'est pas inutile de lire ou de relire La France contre les robots, de Georges Bernanos, exposition magistrale de la mécanisation grandissante, mortifère, de l'Occident « moderne ».

Que des navires de guerre soient une source d'information montre la massification ténébreuse du cycle historique actuel. Ils représentent l'exact inverse de la parole de la Présence. Dans l'âge de fer actuel, l'être humain a régressé au stade de quadrupède tourmenté mais le « roman national » (expression très courante, si l'on fait bien attention) grime le chien de chasse en acteur de sa défense. Son pelage, donc, rappelle la belle-de-jour et la récompense de la médaille. Non qu'il faille comprendre que tous ceux à qui la Purple Heart (et autres décorations) est décernée sont des crétins ou des gens qui ne la méritent pas. Ce n'est pas du tout le propos de la chanson (ni le mien). Ce qui est visé, ici, c'est la « raison d'Etat » et ceux qui l'instrumentalisent.

Toujours selon la philosophie pérenne, l'espace et le temps sont qualifiés. Ils expriment, en vertu du principe d'analogie, des principes anhistoriques. Leurs « accidents » (naturels et artificiels, comme la construction d'édifices en tel ou tel lieu) n'en sont pas. « Lost in summer, morning winter » : l'homme de l'âge de fer est décentré de la Tradition. C'est du tréfonds de la merde (« dirty holes »), véritable centrale contre-initiatique, que remontent des armées d'humains émondés, fanatisés, aveuglés, dégradés, drogués de victoire en chantant ("death defying"), simulacres du kshatriya véritable. C'est aussi au point le plus inférieur que le retournement se produit : « your position », bien sûr, n'a rien à voir avec une carte d'état-major. Qui est alors cette Présence ? Un gnostique dirait qu'il ne peut en aucun cas s'agir du Dieu des armées, du Jéhovah-Démiurge agressif et colérique de l'Ancienne Alliance. L'autre Dieu ? Le « vrai » Dieu, le premier, le seul, la vraie source ? Je vous laisse voir. Pour ou contre l'interventionnisme américain, français, etc : je vous laisse voir. J'ai bien sûr mes idées là-dessus mais, pour l'instant, je me tais, j'écoute Yes.



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